Chefs de file syndicaux des étudiants en médecine, des internes, des remplaçants, des spécialistes et des généralistes, juniors comme seniors… Tous ont répondu présent* à la réunion qui s’est tenue en « visio », mercredi 26 novembre 2025 de 20 heures à 22 heures. La raison première de cette « union sacrée » ? Les menaces, fluctuantes au gré des allers-retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat mais bien réelles, que fait peser le projet de budget de la Sécu (PLFSS 2026) sur l’ensemble de la médecine libérale.
Sur le podium des craintes, on retrouve les possibilités de décotes tarifaires dans les spécialités dites « rentières », comme l’imagerie, l’encadrement du secteur 2 et le contournement des accords conventionnels par un pouvoir accru accordé au directeur général de la Cnam. Mais ce n’est pas tout. Les médecins s’inquiètent aussi de ce qui se mijote pour ceux en secteur 2 (instauration d'une surcotisation sur les dépassements) et même ceux en secteur 3.
Forte inquiétude des internes
« La situation est on ne peut plus sérieuse », confie le Dr Vincent Pradeau, nouveau président d’Avenir Spé. Le cardiologue d’Aquitaine juge qu’avec une progression de l’Ondam (dépenses annuelles) maintenue à 0,9 % dans ce budget pour la ville, le risque est grand de voir les revalorisations prévues dans la convention de 2024, déjà repoussées une fois pour certaines spécialités, renvoyées aux calendes grecques. « Avec un Ondam pareil, on est certain que l’objectif ne pourra être tenu », juge le médecin. À se demander, pestent les participants à la réunion syndicale, à quoi sert le système conventionnel, garant initial d’un juste accès aux soins pour tous, dans un système où les médecins libéraux conservent leur libre choix d’installation et de prescription.
À ce titre, la jeune génération ne cache pas être inquiète pour son avenir, face à la possible copie finale du prochain budget Sécu. « Outrepasser le principe des négociations conventionnelles pour laisser le dernier mot à la Cnam en cas d’économies nécessaires, ça fait peur aux internes », lâche la présidente de l’Isni, Mélanie Debarreix. Et, à l’instar de ses homologues syndicaux, la cheffe de file des internes a déjà commencé à sensibiliser ses troupes, soit potentiellement 39 000 personnes. Première étape dès ce mercredi, 20 heures : un webinaire pédagogique « spécial PLFSS 2026 pour comprendre ce qui se joue » pour les internes.
Janvier en ligne de mire
Au sortir de la réunion, il apparaît clairement que les médecins libéraux ont l’intention d’en découdre mais qu’ils attendent de voir l’atterrissage définitif du budget de la Sécu, fin décembre (si tout se passe comme prévu) pour laisser leur colère s’abattre.
Dans l’intervalle, l’ensemble des syndicats de médecine libérale va réfléchir à comment orchestrer une contre-attaque majeure, programmée et coordonnée, pour le mois de janvier. C’est dire si le gouvernement risque gros. « Ce mouvement de révolte, on l'organise déjà depuis plusieurs mois, appuie le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S très remonté. La médecine libérale est face à un danger extrême qui remet en question le système de la convention. » L'UFML-S appelle d'ores et déjà les médecins libéraux à annuler les rendez-vous entre le 5 et le 15 janvier, quitte à annuler le mouvement si jamais les mesures litigieuses étaient supprimées dans la version définitive du PLFSS.
Sur le terrain, les colères régionales montent illustrant le ras-le-bol général de l’ensemble de la profession : appel à la grève le 3 décembre dans le sud de la France, mouvement de boycott du DMP lancé cette semaine dans les Hauts-de-France, etc.
La CSMF va de son côté demander à ses troupes de ne s’investir ni de près ni de loin dans le réseau France Santé cher au gouvernement. De même, pas question de signer les nouveaux contrats de maîtrise tarifaire Optam, insiste le président de la Conf’, le Dr Franck Devulder.
Toujours du côté des spécialistes, l’opération « Exil à Bruxelles », point d’orgue de la contestation, est amenée à prendre de l’ampleur. Les spécialistes de bloc se préparent à une grève de plusieurs milliers de chirurgiens, gynéco-obstétriciens et anesthésistes, qui prendront symboliquement la direction de la Belgique entre le 5 et le 19 janvier. Ce qui laisserait le territoire vide de nombre de médecins libéraux.
« C’est bien simple, depuis la mobilisation contre les ordonnances Juppé, je n’avais pas vu la profession autant mobilisée », conclut le Dr Vincent Pradeau. Voici les pouvoirs exécutifs et législatifs prévenus.
Grève unitaire à partir du 5 janvier, manifestation le 7 janvier
Dans un communiqué diffusé ce mercredi 26 novembre en fin de journée, l’ensemble des syndicats appellent à la mobilisation générale des médecins libéraux et annoncent un mouvement de grève du 5 au 15 janvier en reportant dès aujourd’hui tous les rendez-vous prévus sur cette période. Une manifestation nationale est prévue le 7 janvier à Paris.
D’ici là, les syndicats appellent leurs confrères, à partir du 3 décembre, à suspendre l’alimentation du DMP et à sortir massivement de l’Optam et de l’Optam-CO. Autres mesures de rétorsion : inviter tous les médecins libéraux de plus de 60 ans à déclarer dès aujourd’hui aux ARS leur cessation d’activité dans six mois et systématiser la demande de validation des arrêts de travail par le service médical via Amelipro.
Mise à jour le 26 novembre à 20h00.
* MG France, CSMF, SML, FMF, Avenir Spé, UFML-S, Jeunes Médecins, Médecins pour Demain, Reagjir, Isnar-IMG, Anemf, Isni
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