De notre correspondant
I L y a peu de chances qu'il le soit. Le président George W. Bush a déjà dit qu'il y était farouchement hostile et envisage de déposer un projet de loi au Congrès pour l'interdire. Un sondage réalisé auprès de 1 000 adultes pour le musée américain d'Histoire naturelle montre que 92 % des personnes interrogées récusent le clonage humain comme moyen de reproduire une personne aimée. 86 % ne sont même pas d'accord pour reproduire un animal domestique.
Mais, sur Internet, des milliers de personnes réclament le clonage humain avec l'espoir de résoudre un problème personnel, le plus souvent de remplacer un être cher qu'elles ont perdu. « Je veux revoir mon fils », déclare un père qui a perdu un enfant de 8 ans et souhaite le cloner.
L'idée de clonage a provoqué d'innombrables fantasmes nourris principalement par l'ignorance. « Supposons que je me fasse cloner. A l'heure actuelle, j'ai 33 ans. Est-ce que cela veut dire que mon clone aura 33 ans aussi ? », demande une femme stérile qui affirme que le clonage humain est sa « seule option ».
Des arguments dans les deux camps
Et si l'on prend le temps de naviguer sur Internet aux Etats-Unis, on s'aperçoit que la plupart des Américains ne comprennent pas le clonage, et encore moins les risques inhérents à la procédure.
Cette confusion autour d'une technique qui en est à ses balbutiements irrite profondément la communauté scientifique, d'autant plus que des médecins ont déjà annoncé qu'ils s'engageraient dans le clonage humain coûte que coûte et quelles que soient les lois en vigueur. Opposants et partisans de la procédure se sont sont affrontés récemment devant une commission parlementaire.
Les premiers ont rappelé quelques faits irrécusables, notamment que les animaux clonés (des brebis, des vaches, des porcs, des chèvres et des souris) meurent la plupart du temps au cours du développement de l'embryon. D'autres animaux sont mort-nés, avec des anomalies monstrueuses. Les mères-porteuses de ces animaux font des fausses couches et ne survivent pas toujours à l'expérience. Beaucoup de clones ne survivent qu'avec une assistance en oxygène et finissent pas être euthanasiés.
Mais les seconds estiment que la technique de clonage sera chaque jour améliorée et que l'on peut faire confiance à la science.
Les parlementaires ont voulu connaître les chances de survie d'un être humain obtenu par clonage. Ils se sont adressés à Rudolf Jaenisch, un biologiste du Massachusetts Institute of Technology qui leur a décrit un sombre pronostic :
Sur cent tentatives, il ne faut pas espérer plus de cinq naissances, sans préjuger des chances de survie au-delà de la naissance.
Les mères porteuses doivent craindre des fausses couches ou des grossesses pénibles et s'attendre à avoir un ftus, puis un bébé, d'une taille anormalement grosse. Un certain nombre d'animaux clonés étaient, à la naissance, deux fois plus gros que la taille normale.
La plupart des bébés qui parviendraient à venir au monde mourront, en quelques jours ou quelques semaines, d'un cur, d'un foie, d'un rein, d'un poumon anormal.
Un bébé obtenu par clonage peut arriver au monde en bonne santé apparente, mais rien ne garantit que son cerveau sera en bon état, que son système immunitaire sera parfait, que la reproduction de ses cellules sera conforme.
« Le clonage humain est absolument réalisable, a déclaré Rudolf Jaenisch. Mais avant de se lancer dans l'expérience, nous devons reproduire des animaux parfaits et durables. La mort d'un être humain obtenu par clonage ne serait rien, comparée à un survivant qui passerait sa vie branché à un appareil de respiration. »
M. Jaenisch ajoute que, non seulement il faut créer par clonage des animaux sains, mais qu'il faut attendre qu'ils aient vécu une vie normale, identique à celle des animaux nés naturellement.
Les illusions du public
Mark Westhusin, qui clone des animaux à l'université du Texas, dénonce les illusions d'une partie (minoritaire) du public américain au sujet du clonage humain. « Il faut que les gens sachent qu'on ne reproduit pas à l'identique une femme de 33 ans, déclare-t-il au « Quotidien ». Cette femme aura son clone quand elle aura atteint l'âge de 66 ans et neuf mois. Dans le clonage, on n'utilise que les gènes d'un seul parent, pas de deux. Et il est complètement impossible de faire renaître un enfant mort, car on ne peut travailler qu'à partir de l'ADN, dans un environnement différent. Vous pouvez reproduire l'inné, pas l'acquis. »
Rien, dans cette argumentation, n'ébranle vraiment les partisans du clonage, qui rappellent que la fertilisation in vitro (FIV) était autrefois dénoncée comme contraire à l'éthique et comme une procédure destinée à créer des monstres. La plupart d'entre eux considèrent que le clonage humain constitue une réponse à la stérilité. Et c'est pourquoi, face à un débat aussi intense, et même si une loi est votée contre le clonage humain, les Américains pensent en général que des expériences auront lieu.
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