La 11e édition du Congrès international d’addictologie de l’Albatros a été l’occasion de faire le point sur la notion de « pathologies duelles ». Très en vogue en psychiatrie, ce concept suggère que la coexistence de troubles psychiatriques et d’addictions chez un même malade modifierait l’expression et la prise en charge de chaque maladie.
La co-occurrence des troubles addictifs et des troubles psychiatriques (troubles dépressifs, anxieux, schizophréniques ou de la personnalité), est connue depuis longtemps. Elle concerne environ 50 % des patients, et semble en constante augmentation. La prise en charge de ces « doubles maladies » n’est pas simple, comme l’ont rappelé les addictologues réunis lors de la 11e édition du Congrès international d’addictologie de l’ALBATROS (Paris, 31 mai - 2 juin).
La présence d’un ou plusieurs troubles psychiatriques et d’une ou plusieurs addictions, chez un même patient, avec apparition de nombreux processus synergiques entre les deux pathologies, modifie l’expression de la maladie mentale, l’effet des traitements ainsi que le rapport des patients au système de soins. Tout se passe, en effet, comme si cette co-occurrence faisait apparaître une nouvelle pathologie, différente des deux premières, d’où le concept de « pathologie duelle ». Un tiers des sujets ayant un trouble mental et 50 % des sujets ayant une pathologie addictive auraient une pathologie duelle.
Tableaux cliniques atypiques
Chez les patients alcooliques, les troubles anxieux peuvent être primaires (l’abus d’alcool constituant en quelque sorte une automédication) mais sont souvent secondaires, conduisant à un maintien de la consommation.
Chez les patients déprimés ayant une addiction (alcool, cannabis), le trouble de l’humeur peut se manifester sous la forme de conduites suicidaires ou à risques, de réveil de l’appétence chez les sujets abstinents plutôt que par une tristesse prononcée ou un ralentissement psychomoteur.
Chez les patients schizophrènes, la consommation d’alcool (1/3 des patients), de cannabis ou de cocaïne aggrave les idées délirantes et les hallucinations et le déficit cognitif. De plus, les patients schizophrènes ayant une addiction sont beaucoup plus que les autres dans le déni de leur trouble psychotique. D’où un défaut d’acceptation d’une prise en charge efficiente et une chronicisation des troubles.
Globalement, les pathologies duelles exposent plus souvent au suicide, à la délinquance et à la criminalité comme à la désinsertion sociale, s’accompagnent d’une moindre compliance aux traitements avec, en corollaire, une plus grande fréquence des rechutes.
Une prise en charge intégrale
La reconnaissance d’une pathologie duelle implique une prise en charge intégrale et simultanée des deux troubles du fait des interactions synergiques entre eux. L’évolution et la rémission d’un patient dépendent, en effet, de l’amélioration du tableau clinique de l’ensemble : la rechute de l’un des deux troubles - psychiatrique ou addictif - entraînant presque immanquablement celle de l’autre.
La poule ou l’œuf ?
Les troubles mentaux induisent ou perpétuent-ils les addictions ? Les addictions précipitent–elles la survenue de troubles mentaux ? S’agit-il d’une simple co-occurrence ou le reflet de mécanismes étiopathogéniques communs ? L’évolution du concept d’addiction et l’émergence de celui de pathologie duelle ont fait apparaître de nouveaux modèles de compréhension psychopathologique et permis d’entrevoir des facteurs de risques communs, neurobiologiques, génétiques, épigénétiques.
Susceptibilité commune Pour le Pr N. Szerman (Espagne), l’idée que l’usage de drogues conduirait au trouble mental via une neuroplasticité induite par le produit lui-même (schizophrénie et cannabis par exemple) est à remettre en cause en privilégiant l’hypothèse d’une susceptibilité commune aux deux types de troubles liée à l’intrication et l’interaction de facteurs neurobiologiques et environnementaux depuis des stages précoces du développement.
Par exemple, la maltraitance infantile engendre des troubles neuro-développementaux avec réduction du volume et de la connectivité au sein de l’hippocampe et du cortex préfrontal et peut constituer un facteur de risque important de troubles psychiatriques mais aussi d’addiction. Dans une étude menée chez 15 000 enfants américains, la fraction du risque attribuable à la maltraitance infantile pour la toxicomanie était de 50 % (65 % dans l’alcoolisme).
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