Chaleur et santé, tout n’est pas réglé

Publié le 08/06/2018
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Sans être aussi marqué qu’en 2003, le poids des épisodes de forte chaleur est loin d'être négligeable ces dernières années, malgré les mesures préventives. Avec de plus en plus de sujets jeunes et de travailleurs extérieurs impactés.
Ouverture

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Crédit photo : Tom Wang / Adobe stock

Si 2003 reste dans tous les esprits l'année de la grande canicule en France, les 14 suivantes n’ont pas échappé aux fortes chaleurs et à leurs conséquences sanitaires, comme le rappellent le BEH et le bilan vague de chaleur 2017 publiés mardi par Santé publique France. Entre 2004 et 2014, « 196 vagues de chaleur ont été identifiées au niveau départemental », rapportent V. Wagner et coll. dans le BEH. Un excès de mortalité de moins de 10 % a été observé pour la majorité d’entre elles. « Toutefois, une surmortalité de près de 40 % a été relevée pour certains pics, et l’impact global est important, avec 1562 décès en excès sur l’ensemble de la période », soulignent les auteurs.

Les personnes âgées ne sont plus les seules victimes

Si les personnes âgées paient un lourd tribut, les moins de 75 ans et les travailleurs d’extérieur semblent aussi de plus en plus impactés, comme le suggère une autre étude portant sur les années 2015 à 2017. Sur cette période, M. Pascal et coll. recensent 17 vagues de chaleur avec une surmortalité allant de 18 % en 2015 à 5 % en 2017.

Par rapport aux autres années, 2017 se caractérise par des signalements plus nombreux chez les travailleurs, avec 73 évènements sanitaires (dont 10 décès) recensés de juin à août, contre 33 en 2015 et 8 en 2016. Dans 9 cas sur 10, ces signalements concernaient des hommes travaillant en extérieur.

L’été 2017 et – dans une moindre mesure – 2015 se distinguent aussi par « une part plus importante de recours aux soins pour les pathologies liées à la chaleur (PLC) chez les mois de 75 ans ». Ainsi, selon le bilan 2017 de Santé publique France, sur 2 760 consultations SOS Médecins pour PLC, 921 concernaient des enfants de moins 15 ans et 1 115 des adultes de moins de 75 ans.

Cet impact plus marqué chez les « jeunes » et chez les travailleurs s'explique probablement « en partie par la période de survenue des vagues de chaleur dès début juin avec des expositions possibles en milieux scolaires et professionnels », analyse le BEH. Fort de ce constat, Santé publique France appelle à « une prévention ciblant davantage ces milieux ».

Un plan qui peine à atteindre les populations cibles

Reste que le plan canicule mis en place après l’été meurtrier de 2003 peine à atteindre les populations les plus vulnérables. « Certes, il donne un cadre, mais il est plus connu des institutions que des acteurs de terrain ! », regrette Karine Laaidi (Santé publique France) qui intervenait sur ce thème lors des récentes rencontres de Santé publique France (Paris, 29 au 31 mai). Le danger de la chaleur extrême est mal appréhendé. Et seulement « 2 % des personnes se sentent à risque, voire 4 % pour les plus de 65 ans », précise Karine Laaidi. Prévu dans le plan canicule, l’enregistrement des personnes isolées auprès des services municipaux reste insuffisant, selon une étude réalisée sur six villes. Ce registre des patients âgés ou atteints de maladie chronique vise à assurer une surveillance régulière et à apporter de l’aide en cas de besoin. Malheureusement, « les personnes inscrites ne sont pas les plus vulnérables », a déploré la spécialiste, estimant qu’il faudrait pouvoir croiser ces données avec les personnes bénéficiant du portage des repas ou de la télé-alarme.

Même message d’entraide dans le BEH : « Si nous voulons gagner nos prochaines batailles contre une chaleur excessive, il faudra recenser et protéger ces personnes, les déplacer vers des logements plus frais si possible, sinon refroidir leur lieu de vie ou enfin leur fournir un soutien extérieur pendant les heures chaudes, tout au long de l’épisode caniculaire », écrit le Pr Jean Louis San Marco dans l’éditorial du BEH.
Un challenge, alors que « dans les prochaines années, le nombre et l’intensité des vagues de chaleur vont continuer à augmenter », prédit Santé publique France. Et les météorologues nous promettent déjà une canicule tous les trois ans !

Pourquoi la chaleur tue
Si la déshydratation due à une transpiration accrue est le plus connu des risques liés à la chaleur, « cette complication est devenue rare depuis que la connaissance de la transpiration et de ses besoins a été généralisée dans notre population », se félicite le Pr Jean Louis San Marco dans l’éditorial du BEH. En revanche, au bout de 48 heures de stimulation ininterrompue, la transpiration s’épuise chez les plus âgés, les exposant à l’hyperthermie. « Nous ignorions cela en 2003, et les personnes du 3e et 4e âge ont payé cette ignorance au prix fort. » Ce défaut de transpiration peut être compensé par une évaporation d’eau déposée sur la peau, entretenue par un courant d’air ou un ventilateur. Des hyponatrémies peuvent aussi être observées en cas de réhydratation trop importante.

Dr Muriel Gevrey et Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr