La Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi) 2025 a fait des annonces réjouissantes mais l’inquiétude règne. Dans la Prep VIH, l’on pourra citer les promesses du lénacapavir en une injection annuelle intramusculaire, l’efficacité du cabotégravir bimestriel ou encore dans le Covid, le développement de nouveaux antiviraux mieux tolérés.
Pourtant, une ombre plane. La conférence s’inscrit dans le contexte des récents décrets du gouvernement américain délétères pour la santé mondiale. « S’il y a eu nombre de résultats de recherche présentés, les perspectives d’avenir sont particulièrement préoccupantes », s’émeut le Pr Yves Lévy, chef du service d’immunologie clinique à l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP), lors d’un point presse organisé par l’ANRS – Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE).
Malgré des interventions « très émouvantes et engagées », la Pr Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP) s’indigne des communications annulées de chercheurs américains, victimes des coupes budgétaires des National Institutes of Health (NIH), voire d’interdictions de déplacement par l’administration américaine. « C’est une censure qui agit à plein régime, je suis assez pessimiste pour le futur », ajoute-t-elle.
Après le choc, un timide début de lutte
« Nos collègues américains sont choqués, désemparés. Ils ne pensaient pas qu’une telle situation était possible », témoigne le Pr Lévy. Le Pr Jean-Michel Molina, chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) renchérit : « Face à la brutalité des mesures, ils ne savent pas comment s’adapter. »
La Pr Lacombe poursuit : « Nous avons rencontré des collègues déterminés à lutter pour la science et à s'opposer aux nouvelles directives, mais les moyens à leur disposition sont très maigres et se tarissent. » Car ce ne sont pas uniquement les fonds publics qui sont coupés. « Les grands donateurs privés ont des liens forts avec l'administration Trump. Même la fondation Bill & Melinda Gates rétropédale dans ses initiatives », s’attriste-t-elle.
Pour autant, les scientifiques ne se résignent pas. Le Pr Molina, note que « les auteurs des abstracts n'ont pas hésité dans leurs présentations orales à utiliser les mots “interdits” comme diversité, transgenre, gay, etc. ». Les participants ont pris part à une manifestation devant le bâtiment hébergeant la conférence, qualifiée par le Pr Lévy de « symbolique, sans prise de parole significative mais qui marque que les personnes assistant à la Croi ont pris conscience de la situation ».
Appel à une mobilisation internationale forte
S’il est encore trop tôt pour disposer de solutions compensatoires fortes, « en France, nous avons la chance d’avoir l’ANRS-MIE qui continue à financer les recherches sur le VIH et le sida même si nous avons besoin d’une meilleure coordination au niveau européen », se réjouit le Pr Molina. La Pr Lacombe abonde : « Même si l’on parle beaucoup du désengagement des États-Unis, il faut rappeler qu’heureusement ils ne sont pas les seuls à financer des projets de santé à l’international. » L’Union européenne s’implique ainsi à travers les initiatives Horizon et l’EDCTP (Europe-Pays en développement pour les essais cliniques).
Dans une vidéo diffusée au cours de la Croi, Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel 2008 de médecine pour sa codécouverte du VIH, et le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS-MIE, ont réagi à la récente politique américaine. « Les partenariats entre la France, les États-Unis et à l’international ont contribué à combattre les menaces mondiales infectieuses. Les décisions prises par les États-Unis mettent en péril ces liens scientifiques essentiels, précisément alors qu’une coopération globale est nécessaire pour combattre ces maladies », dénonce le Pr Yazdanpanah.
Le monde est témoin et l’histoire se souviendra
Françoise Barré-Sinoussi, virologue, prix Nobel 2008 de médecine
« Fragiliser la recherche, réduire les financements et ignorer la coopération internationale est dangereux pour l’ensemble du monde, dont les États-Unis, alerte Françoise Barré-Sinoussi. Nous devons nous unir, nous mobiliser et nous engager pour protéger la science et la santé publique. » Et la prix Nobel de clamer : « Le monde est témoin et l’histoire se souviendra. »
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