Au vu des nombreux travaux sur la thrombectomie mécanique, on est en droit de se demander si celle-ci n’est pas en train de détrôner la thrombolyse intraveineuse dans le traitement de la phase aiguë de l’AVC ischémique. Car même si aujourd’hui, la thrombolyse est couramment réalisée dans les 140 unités neuro-vasculaires (UNV) réparties sur notre territoire, ce traitement a ses limites : son indication est restreinte aux AVC de moins de 4h30 et il est surtout actif sur les thrombus distaux.
15 000 patients traités par an
La thrombectomie mécanique a été utilisée chez des patients pour la première fois il y a 10 ans. Mais c’est à partir de 2015 que les choses se sont accélérées, quand furent connus les résultats de l’étude randomisée Mr Clean montrant l’avantage de la thrombectomie sur la thrombolyse intraveineuse. Depuis, en France, ce traitement endovasculaire n’a cessé de gagner du terrain : +66 % en 2016, +20 % en 2017, +22 % en 2018 pour atteindre 6 844 actes. Rapportée au nombre des 78 000 accidents ischémiques annuels, la marge de progression reste importante. « Pour l’heure, les spécialistes français s’accordent sur un objectif de 15 000 patients traités par an, explique le Pr Laurent Spelle, chef de service du département de neuroradiologie interventionnelle au CHU Kremlin Bicêtre. Mais ce chiffre est empirique et dépend de nombreux facteurs, dont l’offre de soins qui est liée à des paramètres organisationnels, financiers, etc. » Ce traitement ne peut être effectué que dans un des 37 centres de neuroradiologie interventionnelle français. En 2018, la HAS affirmait sa volonté de développer la prise en charge des accidents ischémiques par cette technique endovasculaire.
Même si ce traitement est indiqué sur les occlusions des gros vaisseaux, c’est-à-dire la terminaison carotidienne et l’origine de l’artère cérébrale moyenne, les arguments en sa faveur se confirment au fur et à mesure des études publiées. « Avec une fibrinolyse intraveineuse effectuée dans les 3h après le début de l’AVC, le Number needed to treat (NNT) est de 7 (il faut traiter 7 patients pour en améliorer un) ; et de 14 quand la fibrinolyse est effectuée dans les 4h30. Pour la thrombectomie, les dernières études montrent un NNT variant de 3 à 7 pour un délai de 6h après l’AVC », argumente le Pr Laurent Spelle.
Diversification des essais cliniques
Les nombreux travaux en cours devraient faire évoluer les dernières recommandations européennes encadrant les indications de la thrombectomie (lire ci-dessous). Des études portent sur le bénéfice de ce traitement (vs thrombolyse) sur des vaisseaux de plus petits calibres, d’autres se concentrent sur les avantages et les risques de pratiquer fibrinolyse +thrombectomie vs thrombectomie seule. Des travaux comparent différents matériels. Enfin, des recherches portant sur les analyses biochimiques et biologiques des caillots prélevés apporteront une meilleure connaissance sur ce traitement.
Cependant, si à l’avenir la thrombectomie devrait davantage se développer, pour l’heure elle constitue une alternative ou un complément majeur à la fibrinolyse. « Un exemple, elle ne peut être retenue en cas d’occlusion majeure avec une zone infarcie définitive (évaluée à l’IRM) », explique le Pr Spelle. Et quel que soit le traitement retenu, le facteur temps reste la priorité dans la prise en charge des patients qui doivent contacter le 15 au moindre signe suspect d’AVC.
Les dernières recos 2019
D’après les dernières recommandations européennes ESO-ESMINT de février 2019 sur la thrombectomie mécanique, avant 6 heures après le début de l’accident vasculaire cérébral, la thrombectomie mécanique associée à la thrombolyse intraveineuse (si elle est indiquée) est recommandée en cas d’occlusion artérielle proximale dont certains segments de l’artère cérébrale moyenne ou l’artère basilaire. On attend les résultats des études en cours (dont Mr Clean-No IV et Swift-Direct) qui randomisent thrombectomie avec ou sans thrombolyse IV préalable. Entre 6 heures et 24 heures, la thrombolyse n’est pas indiquée, la thrombectomie mécanique peut être effectuée en première intention, sauf critères d’imagerie spécifiques. Par ailleurs, la thrombectomie est recommandée chez les personnes de plus de 80 ans et en cas de déficit neurologique sévère.
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