Fin de vie : Touraine mobilisée, un hémicycle clairsemé, des manifestants remontés

Publié le 10/03/2015

Crédit photo : GARO/PHANIE

« Un texte d’humanité, d’équilibre qui offre le droit de mourir dans la dignité. » C’est ainsi que Marisol Touraine a qualifié la proposition de loi sur la fin de vie. Porté par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP), le texte est examiné ce soir et demain à l’Assemblée nationale et sera soumis au vote des députés mardi prochain. « Renforcer l’accès aux soins palliatifs », « donner aux citoyens les moyens de faire valoir leurs droits », « consacrer une plus grande autonomie des personnes », la proposition de loi développe trois grandes orientations rappelées par la ministre de la Santé. S’agissant de la première, le texte consacre « un droit universel d’accéder aux soins palliatifs », a détaillé Marisol Touraine, soulignant qu’il s’agissait là d’une mesure figurant dans le texte défendu par Véronique Massonneau en février dernier. La reconnaissance des droits des patients passe par les directives anticipées dont le texte prévoit de leur donner un caractère contraignant et de supprimer leur durée de validité. Quant aux patients en fin de vie, la proposition Claeys-Leonetti prévoit de leur accorder « un droit de bénéficier d’une sédation terminale », a énoncé Marisol Touraine, celui-ci reposant aujourd’hui sur le médecin. En somme, cet ensemble de mesure tend « à faire du patient le maître de sa fin de vie », a conclu la ministre.

Avant elle, Alain Claeys et Jean Leonetti s’étaient succédés à la tribune, devant un hémicycle clairsemé. Conscients des débats qui agitent chacune de leur famille politique, tous deux ont réaffirmé leur volonté de répondre aux attentes des Français quant à la fin de vie. « Ce texte n’a pas vocation à épuiser le débat sur la fin de vie », a souligné le premier, député de la Vienne, pour qui « il n’y a pas de chose humaine qui soit figée ». « La mort n’est ni de droite ni de gauche mais peut rassembler », espère quant à lui le député-maire d’Antibes pour qui « toutes les opinions sont respectables, (…) personne ne détient la vérité sur ce sujet ».

Équilibre, consensus, les termes ne manquent pas pour décrire la subtile équation auxquels les deux auteurs du texte se sont attachés dans la rédaction de leur proposition. Des caractères tout aussi important pour le législateur que pour l’exécutif. Mardi matin, Manuel Valls a rappelé, en ce sens que le gouvernement est « très attaché à l’équilibre du texte ». Pour le Premier ministre, « dans ces moments-là, sur des sujets aussi graves, qui touchent à l’intime, qui touchent à l’éthique (…), il est important, une nouvelle fois, que le Parlement puisse se retrouver dépasser ses clivages et se retrouver sur l’essentiel ». Force est de constater, comme le soulignait d’ailleurs l’hôte de Matignon, que cette proposition de loi n’obéit pas exactement « aux frontières politiques traditionnelles », comptant partisans et détracteurs à droite comme à gauche.

Du côté du PS, ils sont presque aussi nombreux à soutenir la proposition de loi telle qu’elle, qu’à souhaiter aller plus loin. Alors que 124 députés socialistes ont signé une tribune, hier, en soutien au texte Claeys-Leonetti, 120 autres défendent un amendement pour une « assistance médicalisée active à mourir ». Bruno Leroux, chef de file des députés socialistes à l’Assemblée nationale, indique leur laisser une « liberté de pensée, mais aussi la liberté de voter » sur cette « question de société, de politique, mais aussi cette question personnelle ». Du côté de l’UMP, « plus de 90 % » des députés voteront la proposition Claeys-Leonetti, veut croire Christian Jacob. Pour le patron des députés du principal groupe d’opposition, « ce texte d’équilibre, qui s’inscrit dans la loi de 2005, nous convient parfaitement ». Il ne convient toutefois pas aux élus UMP de l’Entente parlementaire pour la famille qui, à l’instar de Philippe Gosselin, veulent « expurger du texte tout ce qui pose question ou est même en contradiction avec la déontologie médicale ». Le député de la Manche a, par ailleurs, déposé une proposition de loi visant à « reconnaître les soins palliatifs comme grande cause nationale 2016 ».

À l’image de la classe politique, la proposition de loi ne comble pas véritablement les associations intéressées par le sujet. Quelques heures avant le début de l’examen du texte, militants pro et anti-euthanasie se sont réunis qui se sont rassemblés à proximité de l’Assemblée nationale. Les premiers entendaient dénoncer un texte qui, à leurs yeux, ne va pas assez loin et plaider pour une « loi d’ultime liberté ». Pour ces membres de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité), le droit à une « sédation terminale » peut aboutir à une lente agonie par privation d’hydratation et d’alimentation. Ils ne sont pas davantage satisfaits par la proposition de rendre les directives anticipées contraignantes. Selon l’association, ce dispositif ne serait pas totalement opposable, les directives ne s’appliquant pas en cas d’urgence ni si elles apparaissaient comme « manifestement inappropriées ». « C’est un texte fourre-tout qui va exploser en vol », juge Jean-Luc Romero, président de l’ADMD.

Emmenés par le collectif "Soulager mais pas tuer", les militants opposés à l’euthanasie considèrent que l’introduction d’un droit à une « sédation profonde et continue » jusqu’à leur décès entraînera une « confusion », apparaissant comme une euthanasie déguisée. Et réclament des parlementaires qu’ils clarifient « la proposition et (s’opposent) à toute forme d’euthanasie ». « Nous ne voulons pas d’une proposition de loi trop floue et qui irait trop loin », a indiqué Alix Frenais, porte-parole de Soigner dans la dignité, association d’étudiants en médecine.


Source : lequotidiendumedecin.fr