Le Haut Conseil de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (Hcéres) a publié ce 21 mai son rapport d’évaluation de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection qui a repris son activité fin octobre 2023 après un an de suspension après des transgressions éthiques en recherche médicale. Le Hcéres émet deux types de recommandations : certaines impératives pour rétablir l’intégrité scientifique des recherches menées, d’autres facultatives mais importantes pour restaurer in fine l’image de l’IHU.
L’autorité administrative salue les changements organisationnels et gestionnaires de l’IHU, notamment le recrutement d’un nouveau directeur qui marque « une amélioration notable, favorisant un climat de collaboration et un retour envisageable de partenaires clés comme l’Inserm ». Mais le travail de la direction reste inachevé pour rompre définitivement « avec un passé caractérisé par de graves dérives », estime-t-elle.
Le Hcéres recommande d’aller plus loin alors que les manquements graves et les méconduites scientifiques ont ancré « des dysfonctionnements structurels profonds ». L’IHU est sommé de « réduire la quantité et améliorer la qualité des publications », de recourir à des « revues reconnues et réputées pour la qualité et la rigueur de leur examen par les pairs » mais aussi de « mettre un terme aux responsabilités de gouvernance scientifique de toute personne ayant participé à l’ancienne équipe de direction », alors que l’équipe actuelle compte encore en son sein « un nombre important d’auteurs d’études rétractées ».
L’équipe de direction contient encore un nombre important d’auteurs d’études rétractées
Hcéres
Une crédibilité entachée, une confiance à reconstruire
La multiplication des publications dans des revues prédatrices, le retrait des organismes nationaux de recherche (Inserm, IRD, CNRS) et les « communications irresponsables » de nombreux membres de l’institut pendant la période de crise du Covid 19 ont eu un « retentissement international », lit-on dans le rapport. « Ces manquements inadmissibles vont continuer à peser durablement sur la réputation de l’IHU », est-il ajouté.
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Au vu de ce « lourd passif », le Hcéres souhaite que l’IHU prenne « des mesures plus radicales ». Il déplore notamment le manque de proactivité de l’institut dans le travail de rétractation des études douteuses et « regrette que toute la lumière n’ait pas été faite sur l’existence éventuelle de falsifications scientifiques ayant entaché les résultats de l’activité de recherche de l’IHU en particulier sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine durant la pandémie de Covid-19 ». Ces évènements à la visibilité médiatique « profondément négative » ont en effet entraîné une crise de confiance et semé le doute sur la qualité de la recherche effectuée par l’IHU.
Pour éviter de reproduire les mêmes erreurs, deux comités entièrement extérieurs à l’institut ont été créés : un comité d'éthique et un comité d'évaluation et de prévention des conflits d'intérêts. Mais le Hcéres « invite l’institut à démontrer sans tarder qu’il a pris toutes les mesures concrètes et vérifiables pour assurer qu’il produit une recherche de qualité répondant aux règles de l’intégrité scientifique et de l’éthique », en publiant notamment le fonctionnement de ses nouvelles instances.
Un changement de nom souhaitable
Le Hcéres rappelle que, sur les sujets d’intégrité et d’éthique scientifique, « la responsabilité de l’ancien directeur a certes été grande, mais qu’elle a été partagée par tous ceux qui se sont affranchis des normes (…) et, plus généralement, par tous ceux qui ont eu connaissance de ces manquements, mais n'ont pas agi rapidement et avec la fermeté nécessaire. »
Pour le Hcéres, changer le nom de l’institut serait un geste fort, « afin de marquer une rupture, et pour que l’affiliation de ses chercheurs ne soit plus un handicap lors de la soumission d’articles scientifiques ». Le rapport souligne l’importance par ailleurs de communiquer ouvertement sur les mesures prises pour remédier aux dérives.
Pour aller plus loin, le Hcéres demande à l’IHU de « développer une politique d’intégration dans un plus grand nombre de consortiums de recherche nationaux et internationaux sur les maladies infectieuses » et de créer des collaborations avec d’autres structures de santé pour « développer un réseau européen de référence ».
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