Génétique

La France s’engage dans la médecine génomique

Publié le 08/01/2016
Article réservé aux abonnés
À l’instar des pays anglo-saxons, la France se lance dans le développement à grande échelle de la médecine de précision ou médecine génomique avec l’élaboration d’un plan pluriannuel réalisé sous la houlette de l’Inserm.
sequence adn

sequence adn
Crédit photo : GARO/PHANIE

La médecine de précision a déjà une place de choix dans la prise en charge de nombreux cancers et maladies rares. Après la Grande-Bretagne ou les États-Unis, c'est au tour de la France de s'engager pour faire entrer cette médecine fondée sur l'analyse des gènes et biomarqueurs dans la pratique médicale courante, en l'appliquant aux maladies les plus fréquentes.

En avril 2015, Manuel Valls a confié au Pr Yves Lévy, président de l'Inserm et de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), la mission d'examiner les conditions de mise en œuvre du séquençage à haut débit sur l'ensemble du territoire. Ses propositions, présentées sous la forme d'un plan pluriannuel, devraient être remises en janvier 2016. « La France ne doit pas prendre de retard dans l'accès à cette médecine du futur, a déclaré le Pr Lévy, en présentant les grands axes de sa réflexion, lors d'un colloque organisé par Génopole et Amgen. Si rien n'est fait à court ou moyen terme, les patients iront chercher ces services dans d'autres pays ou dans le privé, en s'exposant à des risques ».

Tests génétiques pour 70 000 malades en 2014


Pourtant, la France est aujourd’hui à la pointe de la médecine personnalisée dans le domaine de la cancérologie. Mais cette pratique est limitée à la recherche de gènes précis. « Nous sommes le seul pays au monde à avoir mis en place ces analyses en routine pour tous les patients concernés », a souligné le Pr Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer (INCa). Environ 70 000 malades ont bénéficié de tests génétiques en 2014. L'objectif est maintenant d'étendre la recherche à l'ensemble de l'exome, voire au génome entier, et à un grand nombre de patients pour identifier d'autres cibles capables de transformer le traitement et la prévention des pathologies cardio-vasculaires, psychiatriques, digestives... « Actuellement, nous évaluons nos capacités de séquençage à environ 10 000 génomes ou exomes par an, a précisé le Pr Lévy. Dans les 4 ou 5 prochaines années il faudra augmenter d'un facteur 10. »

Ce changement d'échelle impose d'adapter les capacités de stockage et de gestion des données génétiques, mais aussi de développer des logiciels d'analyse et de croiser les données génétiques, biologiques et cliniques, pour comprendre les conséquences des variantes identifiées. Les retombées pratiques de ces recherches seront forcément lentes et progressives.

« Nous sommes face à un défi immense, a constaté le Pr Lévy. La médecine génomique estompe complètement la distinction entre recherche fondamentale, recherche clinique et recherche appliquée. Nous devons repenser l'organisation du système de soins et des essais cliniques. »

Le Plan se déroulera en deux étapes sur dix ans. La première étape, à l'horizon 2020, vise à mettre en œuvre l'ensemble des outils pour la prise en charge d'un nombre important de patients atteints de maladies rares et de cancers, mais aussi de démarrer des essais dans les maladies communes, pour établir une preuve de concept.

La deuxième étape, à l'horizon 2026, est une montée en charge progressive, en particulier dans le domaine des maladies communes, pour couvrir l'essentiel des malades concernés sur tout le territoire. Dès la première étape, un réseau de plates-formes de séquençage à très haut débit sera créé. Celles-ci seront situées directement sur les sites de prise en charge des malades et reliées par un centre de connexion des données à vocation nationale, pour gérer et analyser les données.

Définir  un cadre réglementaire


« D'ici à 5 ans il est évident qu'il faudra mettre en place le dossier électronique, au moins pour certaines pathologies, afin d'intégrer l'ensemble de ces données », a ajouté le Pr Lévy. Cette étape doit être mise à profit pour définir un cadre réglementaire sur les conditions de la collecte, de la conservation et de l'exploitation des données, et de réfléchir au modèle de remboursement des actes, qui seront inscrits dans le parcours de soins. Elle sera complétée par la création d'une filière de formation interdisciplinaire de santé génomique et digitale.

Marisol Touraine a rappelé sa volonté de soutenir la médecine personnalisée en y associant une réflexion sur les questions éthiques et de société qu'elle soulève. « La médecine personnalisée ne doit pas être un luxe réservé à quelques privilégiés », a-t-elle insisté. Le développement d'une prise en charge et, en particulier, d'une prévention guidée par les gènes, implique une vigilance sur deux grands principes : la confidentialité des données et le droit de toute personne de savoir ou de ne pas savoir. La ministre devrait saisir prochainement le Comité national d'éthique pour mener une réflexion sur ces thèmes.

Dr Isabelle Leroy

Source : lequotidiendumedecin.fr