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Le diagnostic précoce d’Alzheimer fait toujours débat

Publié le 27/03/2015
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Si tout le monde s’accorde sur l’importance de prendre en compte la plainte mnésique des patients et leurs inquiétudes, le diagnostic précoce ne fait pas l’unanimité.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Entre spécialistes hospitaliers et médecins généralistes la question du diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer continue de faire débat, avec beaucoup d’interrogations éthiques sous-jacentes. « À partir d’un certain âge, apparaît une plainte de mémoire et beaucoup de patients mettent sur le compte d’un défaut de mémoire un simple défaut d’attention et leur préoccupation est réelle, explique le Pr Bruno Dubois (neurologue, directeur du Centre des Maladies Cognitives et Comportementale, hôpital de la Salpêtrière, Paris), qui y voit un argument en faveur d’un diagnostic précoce de la démence.

Dans l’enquête Alzheimer Europe Survey (2006), 97 % des Français désiraient savoir s’ils avaient une maladie d’Alzheimer. « Pour quelle raison n’aurions-nous pas alors une démarche diagnostique, comme dans toute autre pathologie ?, interroge Bruno Dubois. C’est notre devoir éthique ». Le Pr Jean-Yves Le Reste (médecin généraliste et directeur du département de Médecine Générale de la Faculté de médecine de Brest) ne voit pas les choses du même œil. « Dans ces enquêtes d’opinion, souvent contradictoires et discutables, les populations ne sont généralement pas représentatives de la population atteinte. Bien sûr que des personnes en pleine possession de leurs moyens voudront connaître la vérité. Mais confrontée à des troubles mnésiques naissants, une grande partie recule et préfère ne pas savoir ». Cela ne dispense absolument pas le soignant de prendre en compte les troubles mnésiques et de les surveiller, après avoir fait un bilan initial pour éliminer une cause curable telle que l’hypothyroïdie, l’hydrocéphalie à pression normale, l’AVC à répétition, l’avitaminose, la meningo-encéphalite chronique, etc.

Pour les partisans du diagnostic précoce des démences, son intérêt est sous-tendu par la mise à l’épreuve des interventions d’accompagnement (stimulations cognitives, éducation thérapeutique) qui se révèlent efficaces ainsi que des molécules disponibles. « Il est désormais démontré, notamment avec l’étude anglaise institutionnelle Domino parue en 2012, poursuit Bruno Dubois, que les moyens pharmacologiques que sont l’antagoniste des récepteurs NMDA – la mémantine – et l’inhibiteur de l'acétylcholinestérase – donépézil – et les exercices cognitifs ont un bénéfice cognitif et fonctionnel dans les formes modérées à sévères d’Alzheimer ».

Deux points de vue opposés

Là encore deux points de vue s’opposent. « Il ne faut pas confondre la recherche clinique qui, un jour, produira des traitements efficaces, des tests fiables et reproductibles – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – et notre rôle auprès des patients, rétorque le Pr Le Reste. On nous demande de réaliser un dépistage précoce alors qu’aucun traitement dans la maladie d’Alzheimer n’a démontré une efficacité clinique, mais seulement un effet pharmacologique faible. Est-ce même éthique ? Au final, la personne reste incapable de se débrouiller seule et ira en EPHAD au même moment ». Et d’ajouter que dans le cadre d’un dépistage précoce d’un trouble démentiel, il n’est pas possible, y compris en cas de dépistage positif, de savoir si la personne développera une démence réelle, ce qui survient seulement dans un cas sur deux.

« Les démences (Alzheimer et éthique) », jeudi 26 mars.
Hélène Joubert

Source : Le Généraliste: 2715