Sur la période 2016-2018, 272 morts maternelles sont survenues pendant la grossesse ou dans l’année suivant la fin de celle-ci, selon l’étude coordonnée par l’équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique (EPOPé) de l’Inserm, avec le soutien de Santé publique France. Publiée ce 3 avril, cette 7e édition s’appuie sur les données de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) et porte sur le triennat 2016-2018.
Ces 272 morts représentent environ 90 décès annuels, et un ratio de 11,8 décès/100 000 naissances vivantes. Parmi ces décès, 197 ont eu lieu dans la limite des 42 jours après la fin de la grossesse, référence internationale fixée par l’Organisation mondiale de la santé pour définir la mort maternelle, soit un ratio de 8,5/100 000 naissances vivantes, un chiffre « dans la moyenne des pays européens », précisent les auteurs.
Stabilité des hémorragies obstétricales, derrière les causes cardiovasculaires
Si le ratio de mortalité maternelle reste équivalent aux périodes précédentes, le fait marquant de ces trois années est la place qu’occupe désormais le suicide : il devient la première cause de mortalité dans l’année qui suit la fin de la grossesse (17 %) avec un ratio de 1,9/100 000 naissances vivantes. Il double ainsi les maladies cardiovasculaires, si l’on regarde les 12 mois suivant l’accouchement ; mais celles-ci, à l’origine de 14 % des décès maternels, restent la première cause de mortalité au cours des 42 jours après la fin de la grossesse (période de référence pour les comparaisons internationales). « C'était la deuxième cause, ça devient la première : ce n'est pas une modification de tendance radicale mais une confirmation accrue du poids des suicides », a déclaré à l'AFP Catherine Deneux-Tharaux, directrice de recherche à l'Inserm.
Les auteurs attirent l’attention sur les hémorragies obstétricales qui étaient, il y a plus d’une dizaine d’années, la première cause de mortalité maternelle. Elles sont aujourd’hui à un niveau stable (0,9/100 000 naissances vivantes), « après une réduction de moitié en quinze ans », mais toujours dans la fourchette haute des pays européens. Pour la période 2016-2018, les thromboembolies veineuses, les embolies amniotiques, les AVC et les hémorragies sont les autres causes les plus retrouvées, gravitant en moyenne autour du ratio 0,9/100 000.
Deux fois plus décès dans les Drom
Les auteurs ont inclus dans leur étude les caractéristiques sociodémographiques des femmes décédées. Ils retrouvent ainsi un risque de mortalité plus élevé chez les femmes âgées de plus de 35 ans par rapport à celle de 20-24 ans dont le risque relatif est de 1,4. Ce risque est de 2,6 pour la tranche 35-39 ans, et de 5,3 à partir de 40 ans. Les femmes de moins de 20 ans présentent, elles, un risque relatif de 1,6.
Le fait d’être née hors de France est également un facteur de risque de mortalité maternelle ; en particulier, les femmes nées en Afrique subsaharienne ont un risque 3,1 fois supérieur à celui des femmes nées en France. La vulnérabilité socio-économique et l’obésité sont également surreprésentées parmi les femmes décédées entre 2016 et 2018 (34 versus 22 % en population générale des parturientes pour la vulnérabilité, et 26 versus 13 % pour l’obésité).
Enfin, les données mettent en évidence une disparité régionale, avec des départements et régions d’outre-mer (Drom) plus touchés par la mortalité maternelle puisque le risque y est multiplié par deux par rapport à la moyenne métropolitaine. Les auteurs signalent toutefois que ce ratio est « de moindre ampleur » par rapport aux précédents triennats durant lesquels il était multiplié par quatre. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les Hauts-de-France et l’Île-de-France suivent les Drom avec un ratio entre 13 et 14,5/100 000 naissances vivantes ; l’Occitanie présente quant à elle le ratio le plus faible du pays (moins de 7/100 000).
Enfin, les auteurs estiment que « 60 % des décès maternels sont probablement (pour 17 %) ou possiblement (43 %) évitables ». De l’analyse des dossiers et des données, le comité d’expert tire 30 messages clés pour améliorer prévention, dépistage et coordination des soins. Il insiste sur le caractère évolutif du niveau des risques somatiques, psychiatriques et sociaux chez la femme et de l’importance de répéter les évaluations. « Les facteurs de risque, personnels et familiaux, de dépression périnatale doivent être connus des professionnels et recherchés tout au long du suivi de la grossesse et du postpartum », lit-on.
Les experts insistent sur l’information aux familles, en particulier sur la dépression périnatale et post-partum, et sur la formation au repérage des risques, aux examens diagnostiques et aux gestes d’urgence des professionnels de santé. Enfin, ils sensibilisent à « toute symptomatologie respiratoire » qui doit conduire à rechercher une origine cardiaque.
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