Dépakine : critiquée, l'indemnisation des victimes va être réformée

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Publié le 22/10/2019
Dépakine

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Le mécanisme d'indemnisation des victimes de la Dépakine, critiqué notamment pour sa lenteur, va être réformé pour ramener la procédure à des « délais raisonnables », annoncent les autorités sanitaires. Pour l'heure, sur près de 2 000 demandes d'indemnisations déposées, seuls 31 dossiers ont abouti actuellement via ce fonds de dédommagement à l'amiable, créé en 2017.

« Le dispositif ne fonctionne pas. Il est urgent, vu le nombre de victimes, que ça s'accélère », juge Marine Martin, mère de deux enfants touchés, qui a dénoncé le scandale lié à la prescription de l'antiépileptique à des femmes enceintes. Depuis 1967, le valproate de sodium est responsable de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants, et de troubles neuro-développementaux chez 16 600 à 30 400 enfants, selon l'Assurance maladie et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

« Un délai difficilement compréhensible »

Le dispositif de dédommagement, chapeauté par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), « a nécessité un délai de mise en œuvre en raison de la complexité du sujet », indique le ministère de la Santé.

Malgré les progrès accomplis dans l'examen des dossiers, « ce délai (...) est difficilement compréhensible pour les victimes et il devient désormais impératif d'accélérer la procédure d'indemnisation et de l'améliorer au bénéfice des victimes », reconnaît la même source. Actuellement, les dossiers passent d'abord devant un collège d'experts, composé de médecins et de juristes chargés d'établir si les troubles de la victime sont bien imputables à la prise de Dépakine par sa mère pendant la grossesse. Si la réponse est positive, un comité d'indemnisation identifie ensuite les responsables (le laboratoire Sanofi, l'État et/ou le médecin prescripteur) et évalue la gravité des dommages subis.

Un amendement du gouvernement à venir

Selon Marine Martin, qui préside l'association de victimes Apesac, le gouvernement déposera début novembre un amendement au projet de loi de finances 2020, dont l'examen a débuté à l'Assemblée nationale, pour fusionner les deux instances chargées d'examiner les demandes. Cette possibilité est « sérieusement étudiée », selon le ministère. En juin, les députés avaient adopté à l'unanimité une résolution favorable à une telle fusion en juin.

Outre la lenteur du processus, Marine Martin dénonce les décisions du comité d'experts qui, selon elle, « refuse de prendre en compte certaines données scientifiques » pour déterminer à partir de quand les dangers de la Dépakine pendant la grossesse étaient connus. Elle évoque aussi, comme dans son cas personnel, des diagnostics d'autisme posés par des centres spécialisés et reconnus par des tribunaux administratifs mais « remis en cause » par les experts.

« Je ne désespère pas qu'avec la nouvelle instance nous ayons des personnes mieux disposées à respecter le travail fait par des spécialistes » de la toxicité du valproate pour le fœtus, déclare-t-elle, dans une lettre aux adhérents de l'Apesac.

Enfin, l'association critique aussi des « indemnisations au rabais » proposées. L'Oniam a annoncé la semaine dernière avoir fait des offres dans 31 dossiers, pour un total de 6,5 millions d'euros. Si les deux offres les plus élevées, accordées à des victimes lourdement affectées, culminent à 1,3 million d'euros et 2 millions, les autres propositions sont beaucoup moins élevées, selon Marine Martin. Et celle-ci de souligner que les indemnisations pour les « victimes indirectes » de la Dépakine (parents et fratrie), ne correspondent pas à la réalité des besoins pour prendre en charge au quotidien les enfants handicapés.

Avec AFP

« Un dispositif qui ne respecte pas les droits de la défense »

Le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine n’est pas ciblé que par les patients. Début octobre, à l’occasion de la présentation du rapport annuel sur le risque des professionnels de santé de la MACSF - Le sou médical, Nicolas Gombault s’en est lui aussi pris au dispositif.

Le directeur général de l’organisme a expliqué que celui-ci ne « respect[ait] absolument pas les droits de la défense ». « L’expertise du collège d’experts n’est pas contradictoire, contrairement aux procédures civiles, et se fait sur pièces », a-t-il regretté. Nicolas Gombault a également déploré qu’un médecin dont la responsabilité est susceptible d’être engagée ne soit prévenu qu'une fois l'avis du comité d'indemnisation rendu et n’ait, par conséquent, « que quinze jours pour prévenir son assureur et faire valoir ses observations en défense ».

Par ailleurs, le DG de la MACSF – Le sou médical souligne que le fonds d’indemnisation « est tout sauf un fonds ». « Le rôle du collège, comme du comité d’indemnisation, est avant tout de rechercher si une responsabilité peut être retenue. Et ce n’est que lorsqu’aucune responsabilité est retenue que l’Oniam, de façon complètement subsidiaire, intervient pour indemniser ». « Ces graves manquements ne sont de nature ni à satisfaire les victimes ni les mis en cause », conclut Nicolas Gombault.
S.L.


Source : lequotidiendumedecin.fr