Décidément les benzodiazépines n’ont plus le vent en poupe. Alors qu’une nouvelle étude du BMJ les met en cause dans la survenue de certaines démences, la HAS s’en est prise cet été aux benzodiazépines hypnotiques.
Remboursement minimum
Après réévaluation globale, la commission de la transparence a revu à la baisse l’intérêt thérapeutique de toute la classe, pour ne plus lui accorder qu’un SMR faible. En conséquence ces psychotropes pourraient bientôt ne plus être remboursés qu’à hauteur de 15 %.
Les experts de la HAS ont pris en compte la forte consommation de benzodiazépines dans notre pays et mis en balance « la faible efficacité de ces médicaments sur la durée du sommeil », d’une part, et leurs « effets délétères bien connus » (somnolence diurne, troubles de la mémoire, chutes, accidents), d’autre part, ainsi
que le risque de dépendance. Résultats : « Le rapport efficacité/effets indésirables des benzodiazépines hypnotiques et molécules apparentées est faible à court terme et insuffisant au-delà de 4 semaines ».
Un verdict auquel n’échappent ni les benzodiazépines à demi-vie courte, ni les composés z (ou benzodiazépines apparentées) qui contrairement aux idées reçues, ne semblent pas faire mieux en termes d’efficacité ou de tolérance.
Au total, sept molécules sont concernées : l’estazolam, le loprazolam, le lormétazépam, le nitrazépam, le témazépam, le zolpidem, le zopiclone et leurs génériques. Outre la baisse de remboursement de ces molécules, la HAS prône aussi un meilleur usage de ces médicaments. Et préconise « une prescription à la plus faible dose et pour la plus courte période possible ».
Réalité de terrain
Une recommandation qui pour certains enfonce des portes ouvertes. « Si nous avons beaucoup prescrit de benzos à une époque, je crois que désormais nous sommes tous sensibilisés au problème », témoigne le
Pr Anne-Marie Magnier, médecin généraliste et co-auteur des recommandations de la SFTG sur la « prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en en médecine générale ». « On sait très bien, et tout le monde est d’accord là-dessus, que l’insomnie chronique ne relève pas des hypnotiques au long cours, renchérit le Dr Sylvie Royant-Parola (psychiatre, spécialiste du sommeil et présidente du réseau Morphée), mais la vraie question, à laquelle on se heurte depuis près de 30 ans est de savoir quelles alternatives proposer. »
Dans ce contexte, la position de la HAS interroge. « Si elle semble justifiée sur le plan médical, elle ne prend pas en compte la réalité de terrain », estime le Dr Royant-Parola. « On diminue le remboursement des benzos mais la demande des patients va rester la même », s’inquiète le Dr Magnier. Avec, à la clé, la crainte d’un report sur d’autres substances. Aux États-Unis où la prescription de benzos a fortement diminué suite à un encadrement très strict des praticiens, un report vers les neuroleptiques sédatifs et l’alcool a été observé.
Les TCC, une alternative crédible ?
Dans l’idéal, la parade pourrait bien être les TCC. Mises en avant dans les recos SFTG et dans le récent avis de la HAS, ces techniques ont été évaluées dans plusieurs méta-analyses. Le contrôle du stimulus – qui vise à recréer une association mentale entre coucher et sommeil – et la restriction de sommeil – qui consiste à produire un léger état de privation afin d’amener le patient à ressentir de la somnolence au moment du coucher sont considérés comme les techniques les plus efficaces. Elles peuvent entraîner « une amélioration au moins modérée du délai d’endormissement et du maintien du sommeil, des performances diurnes et de la qualité de vie », avec « un effet prolongé sur des délais de 6 mois à 2 ans après la fin des traitements », indiquent les recos.
« Mais ces solutions nécessitent une adhésion et une participation du patient qui ne sont pas toujours évidentes », nuance le Dr Royant-Parola. Se pose aussi la question financière puisqu’actuellement ces thérapies ne sont pas remboursées quand elles sont mises en œuvre par un psychologue spécialisé. À terme, la donne pourrait changer, la HAS s’étant prononcée en faveur de leur prise en charge.
Reste que « ces approches qui ne sont délivrées que par des gens formés ne sont pas accessibles à tous », souligne le Dr Royant-Parola. « On s’adresse comme d’habitude aux citadins », appuie le Pr Magnier. Tout en reconnaissant que les généralistes pourraient peut-être davantage s’approprier ces techniques. Dans le réseau Morphée qu’anime le Dr Royant-Parola, des formations courtes permettent aux généralistes de se familiariser à la technique de restriction du sommeil.
Par ailleurs, « il y a dans la TCC sommeil des choses que tout généraliste pourrait faire sous réserve que les patients y adhèrent », estime le Pr Magnier. Comme, par exemple, l’utilisation de l’agenda du sommeil qui « constitue le premier pas de l’approche cognitive, dans la mesure où il permet d’aborder les règles d’hygiène du sommeil, de voir ce qui se passe avec un outil concret et de revenir sur les idées fausses ».
À défaut de TCC proprement dites, cette généraliste plaide pour une éducation thérapeutique (ETP) du patient insomniaque. « Si on considère l’insomnie chronique comme une maladie chronique, il faut mettre en place la même chose que pour d’autres maladies chroniques et généraliser l’ETP. »
Parmi les autres approches non médicamenteuses, les techniques de relaxation « fonctionnent plutôt bien dans les insomnies d’endormissement et sont donc plus accessibles que les TCC, indique le Dr Royant-Parola. Mais, faute de formations spécifiques, on ne sait pas très bien à qui on adresse son patient. » Et, comme pour les TCC, cette approche demande du temps et l’investissement du patient.
Toujours pas de médicament miracle
Concernant l’acupuncture la phytothérapie ou l’homéopathie « il n’y a aucune étude qui soit vraiment solide avec des résultats reproductibles établissant une efficacité dans l’insomnie primaire ».
Quant à la pharmacopée classique, aucun médicament n’est pour le moment idéal. « De plus en plus de praticiens utilisent des antihistaminiques », rapporte le Pr Magnier. Certains d’entre eux ont d’ailleurs une AMM dans l’insomnie mais « il faut faire attention à ces médicaments, y compris ceux en vente libre, car ce sont des produits à demi-vie longue qui peuvent avoir un retentissement le lendemain avec un risque potentiel pour la conduite automobile par exemple », alerte le Dr Royant-Parola. Outre cet effet résiduel et leurs effets atropiniques, des études suggèrent que certains d’entre eux pourraient aussi présenter un risque de tolérance.
Les antidépresseurs de type sédatifs (miansérine, doxépine, paroxétine, mirtazapine…) peuvent aussi avoir un effet positif sur le sommeil à faible dose (1/2 dose voir 1/10e dose) avec un impact bien documenté notamment sur la continuité du sommeil. Pour le Dr Royant-Parola, « ils pourraient être utiles en cas de plaintes de milieu ou de fin de nuit mais leur prescription dans ce cadre est hors AMM ».
Également longtemps prescrite hors AMM, sous forme de préparation, la mélatonine est désormais disponible en France en médicament (mélatonine LP). Ce dernier est indiqué chez les sujets de 55 ans et plus pour le traitement à court terme de l’insomnie primaire, caractérisée par un sommeil de mauvaise qualité. « Son utilisation est notamment intéressante chez des sujets qui ont un sommeil fractionné pour les aider à retrouver une continuité du sommeil ou pour améliorer les délais d’endormissement en cas de sommeil décalé ».
D’autres molécules sont en développement comme les anti-orexines. Ces composés inhibent les récepteurs aux orexines (lesquels interviennent dans les circuits de l’éveil) avec des premiers résultats cliniques encourageants. « Mais compte tenu de la complexité du sommeil et de ses déterminants, je ne crois pas que le sommeil naturel aura un jour un équivalent grâce aux drogues… », conclut le Dr Royant-Parola
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