La fronde se poursuit contre les mesures législatives fixant des distances d'épandage des pesticides. Un collectif d'organisations*, dont fait partie l'association de praticiens "Alerte des médecins sur les pesticides" (AMLP), vient d'engager des recours auprès du Conseil d'État contre un arrêté et un décret du 27 décembre 2019 relatifs à la protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytosanitaires. Ce texte prévoit entre autres de fixer des zones de non-traitement (ZNT) entre 5 mètres (cultures basses et viticulture) et 10 mètres (autres cultures) la distance minimale entre les habitations et les zones d'épandage de produits phytosanitaires, selon les recommandations scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Le décret prévoit également la rédaction de chartes locales, signées entre agriculteurs et riverains.
L'avocat du collectif, Me François Lafforgue, a résumé les principaux reproches faits à la réglementation jusqu'alors en vigueur : « Un premier arrêté avait été pris en mai 2017 mais ne contenait pas de mesures protectrices des riverains, ne prenait pas en compte de limitation de l'épandage en cas de pluie, ni la protection des travailleurs. Le Conseil d'État nous avait alors donné gain de cause. » Seulement, pour le collectif, la nouvelle version des textes parus au mois de décembre est « bien en deçà » de ce que pouvaient espérer les associations.
Manque d'information des riverains
Selon le collectif, le gouvernement n'a également pas pris assez en compte les propositions des associations ni l'avis des Français. « Les projets de textes ont été mis en consultation publique en septembre et il y a eu 53 000 commentaires, du jamais vu. Ce qui montrait qu'il y a un réel engouement autour de ce sujet », déplorait Nadine Lauverjat (à gauche sur la photo), coordinatrice de l'association Générations Futures, en préambule d'une conférence de presse organisée ce mardi. En septembre dernier, l'ALMP, présidée par le généraliste Dr Pierre-Michel Périnaud, s'était déjà élevé contre ce projet de décret « ridicule ». Le collectif regrette également qu'aucune mesure visant à mieux informer les riverains n'ait été retenue. « Les personnes vivant à proximité des zones d'épandage ne sont pas informées quand l'agriculteur utilise ces produits ni de la nature de ces derniers, ceci va à l'encontre de la législation européenne », a rappelé la représentante de Générations futures.
Rôle du médecin
En attendant les résultats des recours, qui selon Me Lafforgue, « peuvent prendre autour d'une année », certains membres du collectif ont mis en avant le rôle des médecins dans l'information des patients. « Leur rôle est essentiel car on s'aperçoit que souvent, l'information faite aux malades est insuffisante et il faut que dans notre collectif, nous puissions développer cette collaboration le plus possible avec les professionnels de santé », a insisté Michel Besnard, président du Collectif des victimes des pesticides de l'Ouest.
« La majorité des généralistes et des autres spécialistes ne s'emparent de ce sujet », regrette le Dr Edmond Leduc, médecin du travail, président du Collectif des victimes des pesticides des Hauts de France et membre de l'AMLP. Le praticien, qui vit depuis 38 ans dans une zone entourée de champs, a développé en 2018 un lymphome malin non hodgkinien, une pathologie reconnue comme maladie professionnelle chez les agriculteurs. « Les médecins manquent aussi d'études épidémiologiques précises sur lesquelles se baser », ajoute le praticien.
Le Dr Jean-François Corty (à droite sur la photo), médecin humanitaire et représentant de l'AMLP Paris, estime que les politiques doivent aller au-delà de la simple question des distances de non-traitement entre habitations et zone d'épandage. « Nous ne nous satisferons pas, à terme, d'une distance de 150 mètres. D'un point de vue scientifique, les données disent qu'à même des centaines de km des zones d'épandage, les risques sont présents pour les personnes exposées. On est dans une forme d'obscurantisme institutionnel qui a pour objectif de contenir les effets collatéraux des pesticides au lieu de mettre fin à l'utilisation de ces produits », a-t-il conclu en fin de conférence.
*AMLP, Collectif des victimes des pesticides de l'Ouest, Collectif du Nord des victimes de pesticides, Eau et rivières de Bretagne, France nature environnement, Générations futures, Solidaires, UFC-Que choisir, Vigilance OGM Charente.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation