À en croire l’AFP, des voix auraient récemment commencé à s’élever en Europe pour réclamer l’évaluation par l’EMA du vaccin russe anti-Covid-19. Et pour cause : le Spoutnik V, déjà utilisé en Russie mais aussi dans d’autres pays tels que l’Argentine ou l’Algérie, pourrait bien présenter une efficacité de plus de 90 %. C’est du moins ce que suggèrent les résultats intermédiaires d’un essai clinique randomisé de phase 3 publiés aujourd’hui dans le Lancet.
Alors qu’en septembre, les conclusions d’une première publication du Lancet concernant le vaccin russe avaient été remises en cause par la communauté scientifique et que le développement du Spoutnik V apparaissait d’une façon générale « critiqué pour sa précipitation, ses approximations et son absence de transparence », « les résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette vaccination est démontré », plaident deux spécialistes anglais dans un commentaire de l’étude.
Cette fois, les données présentées ont en effet été recueillies auprès de près de 20 000 individus de 18 à 87 ans – dont plus de 2 000 âgés de plus de 60 ans et 25 % vulnérables au Covid-19. Trois quarts des participants ont reçu, à 21 jours d’intervalle, deux doses du vaccin russe.
91,6 % d’efficacité
Résultat : le vaccin atteindrait « 91,6 % » d’efficacité. « 16 des 14 964 participants du bras interventionnel et 62 des 4 902 sujets du groupe placebo ont eu un Covid-19 confirmé », détaillent en effet les auteurs de l’étude. Ainsi le Spoutnik V pourrait-il rejoindre, après Comirnaty® et le vaccin de Moderna, le club des vaccins efficaces à plus de 90 % contre le Covid-19. À noter que contre les formes sévères de Covid-19, l’efficacité du vaccin russe pourrait même atteindre 100 % – ce chiffre devant toutefois être confirmé auprès d’un nombre plus important de volontaires, les données actuelles apparaissant sur ce point encore insuffisantes.
Autre conclusion encourageante : le vaccin russe pourrait s'avérer efficace également chez les personnes âgées. Il serait « capable d’induire la production d’anticorps neutralisants chez les participants âgés de plus de 60 ans », se réjouissent les auteurs. « De plus, l’efficacité du vaccin dans ce groupe de participants ne différait pas significativement de l’efficacité observée chez les 18-60 ans », relèvent-ils.
En outre, une protection partielle pourrait se mettre en place dès 16 à 18 jours après l’administration d’une première dose suggèrent les auteurs bien que le design de l’étude ne permette pas, de leur propre aveu, « de tirer des conclusions [de ces données préliminaires] ».
Une technologie légèrement différente du vaccin d’Astrazeneca
Alors que le vaccin d’Astrazeneca, fondé comme le vaccin russe sur une technologie de vecteur viral, n’atteindrait d’après l’EMA que « 60 % environ » d’efficacité, l’efficacité du Spoutnik V pourrait être liée à l'utilisation de deux vecteurs distincts.
Si les deux doses du vaccin d’Astrazeneca contiennent en effet un unique adénovirus de chimpanzé, chaque injection de Spoutnik V comporte un adénovirus humain recombinant différent. Approche qui, initialement, « vise à vaincre toute immunité adénovirale préexistante dans la population » et ainsi à autoriser le vecteur viral à entrer dans les cellules et exprimer la protéine spike, expliquent les commentateurs britanniques.
Un profil d’innocuité satisfaisant
Si cette explication est évidemment hypothétique et si l’efficacité du vaccin russe doit être précisée dans le temps, sur les formes asymptomatiques ainsi que dans des sous-groupes particuliers (individus présentant d’autres comorbidités que celles déjà testées, enfants, femmes enceintes et allaitantes, etc.), l’étude du Lancet fournit également des données concernant la sécurité d'emploi du Spoutnik V.
Son profil d'innocuité semble satisfaisant. La plupart des effets secondaires détectés apparaissent bénins, à l’instar de réactions au site d’injection, de céphalées, d’asthénie, de symptômes pseudo-grippaux, etc. Si des évènements indésirables graves sont survenus chez 45 participants du bras interventionnel (et 23 au sein du groupe placébo), aucun ne serait lié au vaccin. De même, trois décès survenus parmi les volontaires ayant reçu le vaccin seraient plutôt associés à une fracture vertébrale ou à deux cas de covid-19 (chez des patients particulièrement fragiles très probablement infectés avant administration du vaccin).
Pas de conservation en supercongélateurs
Outre cette efficacité importante et ce profil d’innocuité rassurant, les auteurs du commentaire du Lancet notent également les conditions de conservation intéressantes du vaccin russe. « On pense que [sa stabilité physique] pourrait permettre de le conserver à – 18 °C environ, ce qui est faisable pour de nombreuses chaînes d’approvisionnement ». « L’inconvénient des vaccins à base d’adénovirus recombinants est [toutefois] que de fortes doses [de vecteur] sont nécessaires, généralement 10¹⁰ ou 10¹¹ particules, ce qui impose des exigences importantes en matière de fabrication […] pour un déploiement à l'échelle mondiale », nuancent-ils.
Quoi qu’il en soit, la perspective d'une utilisation française ne semble pas immédiate. Le ministère de la Santé français souligne en effet qu’une approbation par l’Agence européenne du médicament est encore nécessaire pour que Spoutnik soit intégré au portefeuille des vaccins anti-Covid utilisés en France. Il faudrait également que le laboratoire se rapproche de l’Union européenne pour formuler une offre, « ce qui n’est pas le cas à ce jour », précise-t-il.
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