L’aducanumab, développé dans la maladie d’Alzheimer, a soulevé de grands espoirs qui sont retombés en novembre dernier à la suite de l’évaluation négative du produit par un comité d’experts désignés par la FDA. Où en est-on aujourd’hui ?
Avant de vous répondre, rappelons que Biogen, pionnier en neurosciences, a été créé par cinq scientifiques, dont deux prix Nobel. Nous investissons 20 % de notre chiffre d’affaires en recherche et développement afin d’apporter des réponses thérapeutiques à des pathologies neurologiques pour lesquelles il n’existe aujourd’hui aucun traitement. Nous avons donc fait le choix de nous spécialiser dans les maladies neurologiques graves, qui frappent une personne sur six à travers le monde. Cette spécialité exige en effet des compétences, une expertise spécifique pour trouver des solutions. Pour revenir à la maladie d’Alzheimer, nous sommes engagés dans la recherche contre cette maladie depuis plus de quinze ans. Nous disposons de cinq traitements potentiels en cours de développement. L’aducanumab est le candidat médicament le plus avancé dans notre pipeline. Il est destiné aux phases précoces de la maladie avec l’objectif de ralentir son évolution. Et donc le déclin cognitif. S’il était approuvé, il deviendrait le premier traitement à agir sur le cours de la maladie. L’innovation se déroule rarement sur une ligne droite. À ce jour, plus de 110 études développées dans la maladie d’Alzheimer ont échoué, alors que des milliards ont été investis par l’industrie pharma. L’avis du comité d’experts n’est que consultatif. On ne peut à ce stade pas spéculer sur la décision finale de la FDA qui devrait intervenir en mars. Nous travaillons avec les autorités réglementaires en Europe, aux États-Unis, au Japon afin de leur garantir l’accès à toutes les données pour leur permettre de prendre la meilleure décision possible pour les patients.
Les investisseurs boursiers ont pour leur part tranché. L’action de Biogen a immédiatement fléchi après l’avis négatif du comité d’experts américain.
Encore une fois, on ne peut pas spéculer sur l’avis définitif de la FDA. Les autorités auront le dernier mot. Au regard de ce que l’on a pu observer ces derniers mois, on peut se féliciter de la teneur de ce débat scientifique. Quelle que soit la décision des autorités, Biogen continuera la recherche sur la maladie d’Alzheimer.
Nous l’avons dit, la neurologie est notre raison d’être. Nous avons des produits en développement qui sont des anti-amyloïdes et des anti Tau, les deux principales voies de recherche actuelles dans la maladie d’Alzheimer. Nous sommes clairement engagés dans le long terme dans le combat contre cette maladie. L’espoir qu’a fait naître l’aducanumab chez les cliniciens et les patients est très important. Aussi, au regard des attentes nous prenons notre responsabilité très au sérieux.
Biogen s’ouvre au traitement de la dépression avec l’accord signé avec la biotech Sage Therapeutics.
Il vient d’être conclu récemment et concerne deux produits de cette biotech implantée à Boston et spécialisée en neuropsychiatrie. Le premier produit, le zuranolone est en phase III dans les troubles dépressifs majeurs qui résistent aux traitements standards, la dépression du post-partum et d’autres troubles psychiatriques sévères. Cette molécule connaît une histoire également complexe. Une première phase III s’est soldée par un échec. La nouvelle étude s’appuie sur des résultats obtenus dans des sous-populations afin de mettre en œuvre un développement complémentaire. Le second produit Sage-324 fait l’objet d’une étude de phase 2 pour l’un des principaux mouvements anormaux (tremblement essentiel). Nous connaissons bien cette biotech où travaillent des anciens de Biogen.
Biogen s’est spécialisé dans une aire thérapeutique. Cela ne concerne pas les biosimilaires.
Nous avons fait le choix, il y a cinq ans de nous lancer dans les biosimilaires afin de mettre notre expertise dans la production de médicaments biologiques au service de la pérennité des systèmes de santé. Ces produits contribuent à générer des économies pour les systèmes de santé afin d’investir dans les innovations, en neurologie et ailleurs. C’est ce que l’on appelle le contrat social, à savoir d’une part fournir des biosimilaires pour desserrer l’étau des systèmes de protection sociale et d’autre part à travailler sur l’innovation et des besoins médicaux non couverts. Nous avons donc créé une joint-venture avec Samsung Bioepis. À ce jour nous mettons à disposition trois anti-TNF alpha et bientôt d’autres biosimilaires en ophtalmologie.
Comment se distinguer dans un secteur très concurrentiel ?
Dans le cadre de l’appel d’offres hospitalier, l’évaluation repose certes sur le prix mais implique également la responsabilité sociétale, le respect de l’environnement, la fabrication européenne, la capacité à garantir l’approvisionnement sans rupture, l’accompagnement dans la formation des médecins. Le prix n’est donc pas le seul critère. Interviennent les qualités de service du laboratoire.
Pour les biosimilaires distribués en ville, un accompagnement sur mesure est nécessaire. Il doit être associé à une recherche spécifique comme des études en cours sur l’effet nocebo.
Quelles sont les parts de marché occupées par les biosimilaires distribués par Biogen ?
Elles sont très variables. La pénétration des biosimilaires en France est globalement inférieure à celle observée dans les autres pays européens. Par exemple, pour l’étanercept, les biosimilaires représentent moins de 40 % des prescriptions et pour l’adalimumab, moins de 30 %, alors que les objectifs de la Stratégie nationale de santé (SNS) sont d’atteindre 80 % d’ici 2022. Pour répondre à ce constat, des politiques d’incitation sont mises en œuvre avec des partages d’économies au bénéfice des services hospitaliers. Nous incitons au déploiement de ces mesures vers les spécialistes libéraux.
Quel est le pipeline de Biogen ?
Avant d’aborder le futur, rappelons que la France est le berceau de la neurologie. Au-delà d’une histoire fameuse, les plans Alzheimer, maladies neurodégénératives, des plateaux techniques de très grande qualité, l’Institut du cerveau, ont structuré la neurologie française. La filiale française de Biogen a été créée en 1994. Elle est devenue la quatrième filiale du groupe. À ce jour, 21 études cliniques de phase I à III, implantées dans deux cents sites, sont conduites dans l’Hexagone avec plus de 2 000 patients recrutés.
Biogen est pionnier dans la sclérose en plaques depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui nous disposons de cinq traitements dans cette pathologie qui ouvrent de nouvelles modalités de prise en charge. La réparation des gaines de myéline est un champ de recherche majeur. Un essai de phase II n’a pas atteint les objectifs. Mais nous continuons dans ce domaine avec le lancement de nouvelles études.
Nous avons introduit il y a trois ans le premier traitement dans l’amyotrophie spinale. Nous avons collaboré avec les autorités de santé afin que tous les patients qui en ont besoin puissent y accéder en France. Nous sommes extrêmement fiers de ce premier espoir qui a été insufflé dans une maladie où il n’y avait pas de solution thérapeutique. Depuis, d’autres alternatives sont proposées. Pour autant nous continuons les études pour évaluer l’intérêt de notre traitement après échec de la thérapie génique ou avec des doses plus élevées tout en poursuivant la découverte de nouvelles thérapies.
Dans le domaine des maladies rares neuromusculaires, Biogen s’est investi dans la maladie de Charcot. Nous devrions annoncer les résultats cette année d’une étude de phase III dans une des formes cliniques de cette pathologie dite SOD1. Elle frappe 2 % des malades. Mais d’autres études sont programmées dans les formes sporadiques par exemple.
La maladie de Parkinson est également un axe de recherche très important. Deux pistes sont explorées avec un anticorps anti alpha-synucléine. Pour la seconde voie issue d’un accord avec la biotech Denali Therapeutics, des médicaments par voie orale ciblent des mutations dans le gène LRRK2. En cas de succès, ce serait la première innovation thérapeutique depuis plusieurs décennies dans cette maladie.
Nous avons également des projets de recherche dans l’AVC.
Les thérapies géniques connaissent un essor considérable. Quels sont les projets de Biogen ?
Nous accélérons dans ce domaine. À court terme, dans les maladies génétiques de la rétine, des résultats devraient être prochainement présentés dans la choroïdérémie. La technologie est issue du rachat de la biotech anglaise Nightstar Therapeutics. Cette maladie frappe quelques centaines de patients français. Au-delà des maladies ophtalmologiques, tout le spectre des maladies neurologiques est concerné par ce développement, comme l’illustre notre accord de partenariat avec la société Scribe qui possède le système CRISPR.
En 2020, vous avez lancé une campagne de communication grand public alors que vous nous l’avez rappelé, le laboratoire est spécialisé dans une seule aire thérapeutique.
Nous avons annoncé en 2020 20 millions d’euros supplémentaires d’investissements dans l’Hexagone avec une augmentation de nos effectifs de 15 % en dépit de la crise sanitaire. Nous avons par ailleurs installé en France notre centre mondial d’innovations en santé numérique avec une cinquantaine de personnes. Cette entité exerce un rayonnement mondial et a pour ambition de faire de notre pays un champion de la santé numérique. Il s’agit d’utiliser la technologie pour mieux prévenir et prendre en charge les maladies neurologiques. Les solutions sont agnostiques des traitements et ne sont pas liées aux produits développés par Biogen. Nous travaillons sur les biomarqueurs digitaux avec pour objectif une plus grande granularité de suivi des patients. En témoigne notre accord qui vient d’être signé avec Apple pour développer des biomarqueurs des fonctions cognitives via l’utilisation de l’Apple Watch et de l’iPhone. Comme pionnier en neurosciences, il nous paraît naturel d’apporter des solutions qui ne relèvent pas seulement du médicament. Notre engagement se doit d’être holistique, comme l’illustrent également les maisons de la Sep. Cela traduit bien le message relayé en France par notre campagne institutionnelle « Quand la science rencontre l’humain » qui a vocation à illustrer le lien entre nos engagements scientifiques et des thèmes sociétaux majeurs comme la dépendance, le développement durable, l’égalité femme-homme, etc. La réputation acquise par Biogen auprès de la communauté des neurologues se devait d’être diffusée auprès d’un plus large public.
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