À l’occasion d’Octobre rose 2024, l’Institut Curie met en avant l’importance de l’imagerie médicale dans le parcours des patients ayant un cancer du sein. « Dans toute la diversité de ce cancer, il y a une chose que les 913 089 personnes touchées* ont en commun : l’imagerie médicale », explique le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie. Avec plus de 60 000 cas et 12 000 décès par an, c’est la première cause de décès par cancer chez les femmes. L’Institut Curie se mobilise pour optimiser et innover en imagerie afin de mieux accompagner les patientes.
Du dépistage au diagnostic, de l’évaluation de l’opérabilité au guidage du chirurgien, de la prédiction à la mesure des réponses au traitement, l’imagerie est omniprésente et indispensable. « Elle intervient à toutes les étapes de la prise en charge », rappelle le Dr Hervé Brisse, radiologue et chef du département d’imagerie de l’Institut Curie. Il existe une grande diversité technique en radiologie qui lui permet ce vaste panel d’applications en cancérologie. « Le sein est un modèle où l’imagerie est exploitée à son maximum », ajoute le radiologue.
Les radiologues et médecins nucléaires sont les médecins des tissus de demain
Anne Vincent-Salomon, directrice de l’Institut des cancers des femmes
Il y a une révolution de l’importance de l’imagerie : « La médecine de précision change de forme » explique la Pr Anne Vincent-Salomon, directrice de l’Institut des cancers des femmes. Ainsi, l’angiomammographie fait apparaître des lésions occultes en mammographie classique.
Autre exemple, la biopsie des tumeurs hétérogènes, qui n’en analyse qu’une partie, peut manquer des informations importantes. L’imagerie permet de voir le cancer dans son ensemble. « Les radiologues et médecins nucléaires sont les médecins des tissus de demain. Les pathologistes n’ont pas cette vision globale que les imageurs ont du patient et du reste du corps », développe la Pr Vincent-Salomon.
Trouver de nouveaux radiotraceurs
Historiquement, la médecine nucléaire utilise des radiotraceurs couplés à des sucres : les tumeurs en consomment bien plus que les cellules saines. Cela sert au diagnostic, au suivi du traitement et à la surveillance d’une éventuelle rechute. Mais les sucres ont des limites. Certaines femmes ont un métabolisme du sucre altéré : diabète, allaitement (les glandes mammaires recrutent des sucres en quantité), etc., et les cancers du sein sont alors plus difficiles à repérer.
La recherche s’attache à trouver de nouveaux traceurs, toujours plus spécifiques et/ou plus sensibles pour détecter des tumeurs naissantes ou des métastases, et caractériser leur phénotype. « Nous avons de plus en plus le choix du biomarqueur à utiliser », se réjouit le Dr Romain-David Seban, médecin nucléaire à l’institut. Par exemple, le fluoro-estradiol, en cours d’évaluation dans les cancers du sein RH+, cible les récepteurs aux œstrogènes. Il permettrait d’anticiper la réponse à l’hormonothérapie. L’avantage ? Il permettrait de se passer d’une biopsie invasive pour obtenir cette information.
Curie investigue un nouveau traceur : le Fapi (Fibroblast Activation Protein Inhibitor), qui se fixe aux fibroblastes du micro-environnement tumoral (stroma). Il est à l’étude dans deux essais cliniques de l’institut pour les cancers du sein triple négatif. Tous ces travaux de recherche sont menés dans le but de traiter la bonne patiente, au bon moment et avec le bon traitement.
Innover pour mieux prendre en charge
Les innovations en radiologie et en médecine nucléaire ne servent pas qu’à améliorer l’efficacité du diagnostic et des thérapies. C’est aussi un moyen de faciliter le parcours médical pour les patientes fragiles. Comme le rappelle Pr Le Gouill, « il ne faut pas oublier que derrière tout le jargon médical, il y a des patientes ».
Les IRM plus rapides et efficaces amènent une meilleure qualité de soin avec une réduction du temps d’attente et de l’anxiété et un plus grand confort. La biopsie guidée par angiomammographie est une technique innovante alternative à la biopsie guidée par IRM pour les patientes fragiles, claustrophobes ou avec des contre-indications (âge, grossesse, pacemaker…).
Ces technologies permettent également une désescalade thérapeutique. En suivant l’évolution de la tumeur sous thérapie néoadjuvante, il devient envisageable de réduire le nombre de sessions nécessaires et, par extension, l’exposition à la toxicité. En préopératoire, les imageurs posent des marqueurs sur la tumeur puis font un suivi en temps réel de l’intervention pour guider le chirurgien et mieux sauvegarder les tissus sains. Il est même possible de réaliser une simulation opératoire à partir d’imageries tridimensionnelles obtenues par IRM. « L’évolution numérique de l’imagerie a modifié la prise en charge des patientes » se réjouit Hervé Brisse.
Aller plus loin avec l’intelligence artificielle
L’Institut Curie utilise déjà l’intelligence artificielle (IA) en routine dans plusieurs dispositifs d’imagerie, « par exemple pour adapter la capture d’images au positionnement de la patiente. Elle commence également à être utilisée pour l’analyse des images, notamment lors du dépistage du cancer du sein par mammographie », détaille la physicienne Irène Buvat, directrice du Laboratoire d’imagerie translationnelle en oncologie (Inserm/Institut Curie). En pathologie numérique, l’IA automatise l’identification de marqueurs clés sur les coupes histologiques.
L’institut dispose de 25 ans d’archives numériques en imagerie qu’il fournit à des partenaires spécialistes en IA, notamment pour inclure les personnes à très haut risque dans l’entraînement des modèles, alors qu’elles sont sous-représentées dans les bases de données habituelles.
Curie compte investir deux techniques innovantes optimisées par l’IA : la radiomique (calcul d’un grand nombre de paramètres à partir d’images médicales pour prédire le bénéfice du traitement) et la transcriptomique spatiale (estimation localisée de l’expression de certains gènes dans des échantillons de tumeurs). La prédiction de la cardiotoxicité liée à l’irradiation permettrait par exemple d’estimer la dose et l’endroit d’administration où la toxicité est minime.
* Données de 2017 d’après le panorama des cancers 2024 de l’Institut national du cancer
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