Après l’hydroxychloroquine et l’association lopinavir-ritonavir, le tocilizumab pourrait lui aussi s’avérer inefficace dans le traitement des patients atteints de formes graves de Covid-19. Son utilisation pourrait même être délétère. C’est en tout cas ce que suggèrent les résultats d’un essai randomisé brésilien publiés mercredi dans le British Medical Journal (BMJ).
Cette biothérapie immunomodulatrice habituellement utilisée contre la polyarthrite rhumatoïde suscitait pourtant un certain espoir : il était attendu que cet antagoniste des récepteurs aux interleukines 6 (IL-6), cytokine impliquée dans la tempête cytokinique caractéristique des formes graves de Covid-19, puisse réduire cet orage inflammatoire. Au début du mois, le ministre de la Santé britannique, Matt Hancock, avait ainsi annoncé que les patients hospitalisés en réanimation pourraient recevoir du tocilizumab, rappelle l’AFP. Cependant, aucune étude n’avait permis de statuer en pratique sur l’efficacité du tocilizumab contre les formes sévères de Covid-19.
Dans ce contexte, les auteurs de l’étude du BMJ ont commencé à recruter entre mai et juillet une centaine de patients souffrant d’une infection grave au SARS-CoV-2 hospitalisés dans neuf hôpitaux brésiliens. La moitié des participants a reçu une perfusion de tocilizumab à la posologie de 8 mg/kg en plus d'une prise en charge standard du Covid-19, quand l’autre moitié n’a reçu que ce traitement de base.
Mais le recrutement a dû cesser prématurément après que 129 malades ont été inclus en raison d’une alerte de sécurité.
Le tocilizumab pourrait augmenter la mortalité
C’est que le tocilizumab s’est avéré non seulement inefficace, mais associé à une mortalité importante.
« Chez les patients atteints de Covid-19 sévère, le tocilizumab associé aux soins standards n'était pas supérieur aux soins standards seuls pour améliorer l’état clinique [des patients] à 15 jours », admettent en effet les auteurs de l’étude. Au bout de 15 jours, environ 20 % des patients de chaque groupe étaient en effet intubés ou décédés. De même, aucune différence significative n’a été trouvée entre les deux bras concernant le nombre d’infections secondaires, d’accidents thromboemboliques, etc. observés chez les participants. Seul le temps passé à l’hôpital semblait légèrement plus court dans le bras interventionnel (séjour de 11 jours en moyenne) que dans le bras contrôle (séjour de 15 jours en moyenne).
« Le tocilizumab pourrait augmenter la mortalité », s’inquiètent même les auteurs de l’étude. Dans cet essai, la mortalité à 15 jours était en effet significativement plus élevée dans le groupe ayant reçu du tocilizumab que dans le groupe contrôle, 17 % des patients du groupe interventionnel ayant trouvé la mort à 15 jours, contre 3 % de l’effectif du bras contrôle.
Un taux de décès anormalement bas dans le groupe contrôle
Ces résultats ont cependant de quoi interroger. Car ce fort différentiel de mortalité semble s'effacer un mois environ après inclusion dans l’essai. « À 29 jours, l’effet du tocilizumab sur la mortalité n’était plus statistiquement significatif », indiquent ainsi les auteurs, pour qui les décès observés dans le bras interventionnel étaient, au même titre que ceux enregistrés dans le groupe contrôle, attribuables avant tout à une insuffisance respiratoire aiguë ou une défaillance multi-organe liées au Covid-19.
En fait, ce ne serait pas le taux de mortalité de 17 % observé dans le groupe interventionnel qui poserait problème, mais la mortalité de 3 % enregistrée dans le bras témoin. « Un taux [de mortalité] aussi bas est inhabituel chez les patients atteints de Covid-19 grave », estime ainsi Peter Horby, professeur de maladies infectieuses à l’Université d’Oxford cité par l’organisme anglais Science Media Centre. D’après lui, cette très faible mortalité serait liée au hasard, à une fluctuation d’échantillonnage qui pourrait avoir affecté les résultats de l’essai — autrement pénalisé par sa petite taille.
Des résultats contradictoires avec de précédents travaux
À noter que si aucune étude n’a jusqu’à présent permis d’établir avec certitude l’efficacité, ou au contraire l’inefficacité, du tocilizumab, certaines, en majorité observationnelles, avaient jusqu’ici plaidé en faveur du médicament, rappellent les auteurs. En France, l’essai Corimmuno de l’AP-HP avait ainsi suggéré cet automne que l’anti-IL-6 pouvait réduire de moitié la proportion de patients transférés en réanimation et abaisser de 10 % le taux de patients encore hospitalisés à 28 jours.
Quoi qu’il en soit, « ces résultats posent question concernant l’approche anti-inflammatoire du traitement du Covid-19 au-delà des corticostéroïdes » — seuls traitements du Covid à avoir montré une efficacité — jugent les chercheurs brésiliens. Alors que d’autres inhibiteurs de cytokines tels que les anti-TNF-α sont encore testés, les auteurs de l’essai prévoient que les médicaments ciblant des cytokines uniques pourraient ne pas être suffisants pour inhiber l’inflammation liée au Covid-19.
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