Les émotions fortes peuvent induire une dysfonction myocardique, le fameux syndrome du cœur brisé (« tako-tsubo »), et il semble aussi que la colère récurrente puisse induire une maladie cardiaque. Une étude parue dans le Journal of the American Heart Association et soutenue par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH) montre que ressentir de la colère de façon récurrente chez un adulte en bonne santé peut altérer la fonction vasculaire et ainsi augmenter le risque de développer une maladie cardiovasculaire.
L’état physiologique lors de la colère pourrait en effet altérer la capacité d’ouverture des vaisseaux sanguins. Or, des études ont montré que cela était un précurseur du développement de l’athérosclérose. Cette déficience vasculaire, à long terme, augmenterait donc le risque d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. « Si vous vous mettez constamment en colère, vos vaisseaux sanguins subissent des lésions chroniques, explique, dans un communiqué de presse des NIH, le Dr Daichi Shimbo, responsable de l'étude et cardiologue. Ce sont ces blessures chroniques qui, au fil du temps, peuvent finir par avoir des effets irréversibles sur la santé vasculaire ».
Pour Laurie Friedman Donze, psychologue et directrice de recherche au National Heart, Lung, and Blood Institute, « cela ouvre la voie à la promotion des interventions de gestion de la colère comme moyen potentiel d'éviter les maladies cardiaques, la principale cause de décès dans ce pays ». La chercheuse promeut l’activité physique, la respiration et la thérapie cognitive-comportementale pour la gestion des accès de colère. Les auteurs se sont particulièrement intéressés à une hypothèse formulée par Friedman et Rosenman en 1959 selon laquelle les individus au tempérament « hautement compétitif, ambitieux, travailleur, soucieux du temps et agressif » (le tempérament de type A) auraient un risque plus élevé d’événement cardiovasculaire.
Des vaisseaux qui se dilatent moins bien
L’étude randomisée contrôlée a inclus 280 adultes en bonne santé, entre 18 et 73 ans (âge moyen de 26 ans), sans maladies cardiaques, sans antécédents (hypertension, diabète, dyslipidémie, tabagisme…), sans traitement et sans facteur de risque. Les auteurs ont évalué en premier lieu les effets aigus d’une colère provoquée, et ensuite ceux de l’anxiété et de la tristesse, en comparaison avec une émotion neutre. Les participants ont été répartis en plusieurs groupes « colère », « anxiété », « tristesse » et « neutre » avant de réaliser des tâches permettant de faire naître l’émotion. Les participants du groupe « colère » et « anxiété » ont parlé pendant 8 minutes d’expériences personnelles ayant suscité chez eux la colère ou l’anxiété ; ceux du groupe « tristesse » ont lu à haute voix des déclarations suscitant la tristesse pendant 8 minutes. Les participants du groupe témoin, quant à eux, ont simplement compté à haute voix pendant 8 minutes. Avant et après l’expérience, les chercheurs ont mesuré les variations du flux sanguin dans les vaisseaux sanguins du bras dominant de chaque participant, ainsi que certaines protéines circulantes dérivées de cellules endothéliales et des cellules progénitrices endothéliales. Les mesures ont été prises avant la tâche, juste après, puis 3, 40, 70 et 100 minutes après.
La mesure du flux sanguin juste après les 8 minutes de l’exercice a montré que la capacité des vaisseaux sanguins à se dilater était significativement réduite chez les participants du groupe « colère » par rapport à ceux du groupe contrôle, après la réalisation de la tâche par rapport à avant. Cet état était maintenu jusqu'à 40 minutes après et diminuait par la suite. Les vaisseaux sanguins des personnes des groupes « anxiété » et « tristesse » n'ont pas été affectés. Ainsi, si les accès de colère occasionnels ne sont que bénins, leur récurrence pourrait causer des dommages aux vaisseaux sanguins. Les auteurs stipulent que leur étude ne montre pas comment les effets transitoires aigus de la colère sont liés au risque cardiovasculaire à long terme. Cependant, il est vraisemblable qu’ils puissent avoir des conséquences, car répétés au fil du temps, ces impacts entraîneraient une récupération tardive puis des dommages irréversibles et un risque accru de maladie cardiovasculaire.
La piste de l’endothélium
Si les mécanismes sous-jacents n’ont pas été identifiés dans l’étude, les chercheurs pointent plusieurs facteurs potentiels. Ainsi, « l’activation du système nerveux autonome, les changements provoqués par les hormones de stress et l'augmentation de l'inflammation artérielle » pourraient jouer un rôle, de même que l’endothélium, « d’une manière ou d’une autre », écrivent les auteurs. Ces points pourraient ainsi faire l’objet de futures études.
De plus, les participants étant jeunes en moyenne, les auteurs souhaiteraient mener d’autres travaux avec des adultes plus âgés ayant des problèmes de santé et traités par médicaments. Enfin, une autre question est de savoir si des émotions positives, telles que la joie ou le rire, pourraient atténuer les effets néfastes de la colère sur le cœur.
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