« Nous vous demandons instamment de prendre comme résolution de nouvelle année le redressement de cette tendance alarmante et de mettre un terme aux souffrances inutiles d'innombrables personnes, de leurs enfants, de leurs familles et de leurs communautés dans tout le pays », écrit dans une lettre adressée au Secrétaire d’État à la Santé et à la Protection sociale anglais, Wes Streeting, le collectif Alcohol Health Alliance (AHA). Composée de plus de 60 organisations non gouvernementales (ONG), dont des sociétés savantes, des chercheurs et des prestataires de santé britanniques, l’AHA tire la sonnette d’alarme suite aux récentes données rapportées par le Département de la Santé et de la Protection sociale britannique (DHSC) faisant état de 8 274 décès liés seulement à l’alcool en 2023 en Angleterre - 15 pour 100 000 habitants - soit une hausse de 42 % par rapport à 2019 (5 819 décès, 10,8 pour 100 000). Des chiffres qui ne seraient pourtant que « la partie émergée de l’iceberg », l’AHA évaluant comme trois fois supérieur le nombre de décès si étaient considérés les cas « où l’alcool aurait eu un rôle contributeur ». « Une hausse des décès jamais vue auparavant », déplore le collectif.
Outre les enjeux humains, l’AHA insiste sur le fardeau qu’est l’alcool pour le système de santé et l’économie, estimant à 4,91 milliards de livres (5,925 milliards d’euros) le coût annuel de l’alcool pour le National Health Service (NHS). Elle enjoint ainsi le gouvernement à mettre en œuvre « une réponse globale, en s'appuyant sur le conseil d'administration de la mission santé pour mener une action intergouvernementale indispensable », argumentant du bénéfice de la réduction de la consommation d’alcool sur d’autres objectifs gouvernementaux, comme la lutte contre le tabagisme, la surcharge pondérale ou les violences domestiques.
Un poids de santé publique
Dans sa lettre, l’AHA rapporte 950 000 admissions à l’hôpital chaque année liées à l’alcool, soit 6 % des hospitalisations, et rappelle l’implication de l’alcool dans le cancer, les maladies cardiovasculaires et le diabète. De plus, elle pointe du doigt son intrication avec la santé mentale, puisque « 70 % des individus sous traitement de sevrage rapportent également un besoin de prise en charge psychologique ». L’Institute for Alcohol Studies (IAS), quant à lui, estime à ce jour le coût sociétal de l’alcool à 27,44 milliards de livres chaque année en Angleterre.
Cette crise souffrirait également d’inégalités au sein du territoire puisque sont retrouvés dans le nord-est du pays « des taux de décès deux fois supérieurs à ceux de Londres », témoigne l’AHA. Les hospitalisations et les décès seraient également concentrés plus fortement dans les communautés les plus précaires.
Fixer un prix unitaire minimum, l’expérience écossaise
Dans son courrier, l’AHA propose notamment une mesure ayant fait ses preuves comme la fixation d’un prix minimum à l’unité de l’alcool pour enrayer la « crise des dommages causés par l’alcool ». L’alliance s’appuie sur l’expérimentation menée en Écosse imposant un prix minimum unitaire (MUP) pour l’achat d’alcool, 65 pences, et ayant montré « son efficacité pour réduire le fardeau de l’alcool ». Introduit en mai 2018, le MUP était jusqu’à février 2024 de 50 pences (soit environ 1,20 euro la canette de bière, 5,65 euros la bouteille de vin rouge ou encore 16,86 euros celle de whisky, selon la BBC). En Écosse, le taux de mortalité en 2023 est estimé à 22,7 pour 100 000 habitants, selon les données nationales écossaises, contre environ 20/100 000 en 2018 et 17/100 000 en 2019. Un rapport publié par l’agence de santé publique écossaise en 2023 mentionne qu’en comparaison avec l’Angleterre, cette mesure a donc permis 13,4 % de décès en moins, malgré des taux de mortalité encore très élevés.
Enfin, l’AHA rappelle soutenir les recommandations du Medical Council on Alcohol visant à augmenter le financement et l'accès aux services de prise en charge de l’alcoolodépendance et à ce que « le plan décennal du NHS donne la priorité au renforcement de la réponse des services de santé aux dommages causés par l'alcool, ainsi qu'à l'adoption de politiques qui s'attaquent à l'accessibilité financière, à la disponibilité et à la commercialisation de l'alcool, comme le souligne le manifeste de l’AHA ».
Et le Pr Ian Gilmore, président de l’AHA, de rajouter : « nous disposons de preuves et nous connaissons les solutions. Le moment est venu de montrer que nous accordons plus d'importance à la vie humaine qu'au profit. Sans une action audacieuse et décisive, ces décès évitables continueront d'augmenter. La lutte contre les méfaits de l'alcool doit être une priorité absolue en matière de santé publique en 2025, et il faut un effort intergouvernemental pour inverser le cours de cette crise de santé publique ». « Nous savons ce qui fonctionne et il est temps d'agir », conclut la lettre.
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