La Haute Autorité de santé (HAS) s’est penchée sur les interactions des professionnels de santé avec les représentants de l’industrie pharmaceutique. Elle a ainsi publié ce 6 février une revue systématique de la littérature sur ce sujet.
La HAS a analysé 199 études et 12 revues systématiques publiées entre janvier 2004 et décembre 2018 dans plus de 30 pays. Plus de la moitié des études ont été menées en Amérique du Nord, plus d’un quart en Europe, et 10 % en Asie.
Personne n'est épargnée
Cette revue de littérature montre que la promotion par démarchage est omniprésente que ce soit par les visites, les réunions collectives et conférences, les congrès, les déjeuners etc. Elle cible également tous les professionnels en exercice avec des fréquences élevées, même si elle varie selon les spécialités, les modes d’exercice etc.
« Parmi les professionnels de santé ciblés par l’industrie, on observe ces dernières années un net recul des professionnels exerçant en ville au profit de ceux qui exercent à l’hôpital », souligne ainsi la HAS dans un communiqué. Elle l’explique notamment par le fait que les laboratoires ont développé de nouvelles stratégies marketing et réorientés leur ciblage « du fait de l’évolution du marché vers des médicaments plus spécialisés, souvent à prescription initiale hospitalière ».
Les étudiants en santé ne sont pas épargnés et sont exposés de façon précoce et de plus en plus au cours de l’avancée de leurs études.
« Les étudiants sont aussi les cibles de formes spécifiques de promotion par démarchage (…) : soutien de l’industrie aux programmes universitaires, conférences parrainées sur le campus, présence des représentants de l’industrie pour fournir un repas à l’issue d’un cours, évènements festifs ou sociaux », ajoute la HAS.
La revue montre aussi qu’une majorité de professionnels reçoit des cadeaux, le plus souvent du petit matériel de bureau. Les médecins sont ceux qui en bénéficient le plus mais avec des différences selon les spécialités et des écarts importants entre les leaders d’opinion et les autres. Encore une fois, les étudiants en santé sont ciblés dès le début de leurs études et cela va crescendo pendant leur cursus. « Au stade clinique de la formation, la quasi-totalité des étudiants en médecine a reçu un cadeau ou perçu un avantage », note la HAS.
Sentiment d'immunité
Même si l’analyse de la HAS confirme que la promotion par démarchage et notamment la visite médicale incite à prescrire, utiliser ou conseiller les produits de santé les plus récents, l’avis des professionnels sur l’information fournie reste ambigu. En effet, les études montrent que l’information donnée est partielle et met essentiellement en avant l’efficacité des médicaments promus et évoque peu les données de sécurité. Même si les professionnels sont conscients de cela, ils estiment aussi ne pas être influencés contrairement à leurs confrères.
« La fréquence des interactions renforce le sentiment d’immunité, et plus ce sentiment est fort, plus l’influence des techniques de promotion est sous-estimée par les professionnels », souligne la HAS.
Former les étudiants
Fort de ce constat sur l’influence de la promotion par démarchage sur les professionnels de santé, la HAS juge que des problèmes dans les pratiques persistent malgré les régulations existantes en France. Elle se dit notamment « circonspecte sur l’efficacité réelle du système charte + certification en vigueur depuis 2004, ce qu’elle avait indiqué dès 2009 puis en 2011 lors des Assises du médicament ». Des doutes qu’elle réaffirme alors qu’elle doit finaliser la transposition de ce système très bientôt pour les dispositifs médicaux.
Pour optimiser la régulation en France, la HAS recommande de s’intéresser aux professionnels. « Il ressort en effet des études que ce sont avant tout eux qui peuvent limiter l’influence du démarchage sur leurs pratiques », écrit-elle.
Elle suggère d’associer les lois de restriction des avantages aux politiques hospitalières et universitaires de gestion des relations avec l’industrie. Elle propose ainsi la définition de règles uniformes de gestion des contacts avec les représentants de l’industrie applicables aux entreprises, aux établissements de santé et aux établissements médico-sociaux.
Par ailleurs, elle estime « indispensable » de former les étudiants à l’analyse de l’information promotionnelle et aux techniques marketing, à l’image de ce qui existe déjà dans certains départements de médecine générale notamment. « Même courtes, ces formations aiguisent l’esprit critique des étudiants et leur conscience de l’influence de ces techniques promotionnelles », estime la HAS.
Enfin, elle recommande de poursuivre les efforts pour que la mise à jour des connaissances des professionnels ne dépende pas de la seule industrie : accès à des bases de données publiques des médicaments ou formation continue via le DPC etc. Mais, elle encourage aussi à prolonger cette réflexion vers le financement indépendant de la formation et des congrès.
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