Santé publique

La pollution atmosphérique, facteur de risque à part entière

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Publié le 21/02/2022
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Les données démontrant les effets délétères de la pollution atmosphérique sur la santé s’accumulent, poussant à considérer ce paramètre environnemental comme un facteur de risque sanitaire à part entière.

Crédit photo : GARO/ PHANIE

Le fardeau associé à la pollution atmosphérique fait de moins en moins doute en France. En effet, une nouvelle étude de l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France évalue à un sur dix la part des décès attribuables, dans la région, à une mauvaise qualité de l’air. Dans le même esprit, Santé publique France estimait, au printemps dernier, à 40 000 décès par an la mortalité imputable à la pollution atmosphérique dans l’Hexagone.

Des chiffres qui incitent à recon­sidérer la place de la pollution de l’air parmi les facteurs de risque sanitaire. Car bien que le fardeau associé à certains facteurs de risque individuels classiques, tels que le tabagisme, reste sans doute particulièrement lourd, l’exposition à un air pollué « pèse autant, par exemple, que l’alcoolisme vis-à-vis du développement de diverses maladies », estime le Dr Sylvia Medina, épidémiologiste et coordinatrice du programme de surveillance Air et Santé à Santé publique France. Et ce, même aux niveaux imperceptibles auxquels cet invisible killer se maintient le plus souvent dans le pays.

Comme le souligne le Dr Medina, les effets biologiques de la pollution atmosphérique – et notamment de ses indicateurs les plus étudiés, le dioxyde d’azote (NO2), l’ozone (O3) et les particules fines (PM2,5) – sont de mieux en mieux connus. Ainsi, on sait que l’impact de la qualité de l’air dépend notamment de la durée d’exposition aux polluants, de leur profondeur de pénétration dans les poumons et de leur caractère oxydant ou irritatif. « Par exemple, les particules fines, capables de traverser les parois alvéolaires et d’atteindre la circulation sanguine, activent le stress oxydatif, ont une action pro-inflammatoire, voire peuvent conduire à une croissance cellulaire anormale dans les poumons mais aussi dans d’autres organes », résume l’épidémiologiste.

Bientôt des recos sur la conduite à tenir en cas de pic ?

Aussi, un pic de pollution peut provoquer la décompensation de maladies préexistantes telles que l’asthme.

À plus long terme, l’exposition à un air de mauvaise qualité contribue au développement de diverses maladies non seulement respiratoires (asthme, BPCO, cancer du poumon) mais aussi cardiovasculaires (AVC, arythmie, athérosclérose, maladies de la coagulation, etc.), neurologiques (maladie de Parkinson ou autisme), endocriniennes (diabète), etc. « Jusqu’au décès dans les cas les plus graves », déplore le Dr Medina.

Et comme face aux facteurs de risque habituels, certaines populations apparaissent plus vulnérables. « Nous sommes tous exposés mais pas tous égaux face à la pollution », souligne le Dr Medina, qui cite parmi les publics les plus sensibles les personnes âgées, les malades chroniques, les fumeurs – à l’appareil respiratoire déjà irrité par le tabac – mais aussi les femmes enceintes. « Une exposition à la pollution atmosphérique pendant la grossesse est associée à un faible poids à la naissance », explique Sylvia Medina. De même, chez les enfants de moins de 5 ans, la pollution entrave le bon développement des poumons. « Les personnes en bonne santé mais qui travaillent ou pratiquent du sport à l’extérieur sont aussi concernées », ajoute l’épidémiologiste.

Cependant, à la différence des facteurs de risque généralement pris en compte, celui-ci semble peu évitable. « La pollution atmosphérique, du fait de son ubiquité, est souvent subie », regrette le Dr Medina. De fait, les leviers disponibles à l’échelle individuelle restent limités : le recours à des conseillers en environnement intérieur peut améliorer la qualité de l’air au sein des foyers mais, à l’extérieur, même le masque n’est pas totalement protecteur. Suite aux préconisations du Haut Conseil de la santé publique, la Haute Autorité de santé travaille néanmoins à l’élaboration de recommandations sur la conduite à tenir pour les populations fragiles en cas de pic de pollution.

Mais comme le souligne l’épidémiologiste, la bataille est avant tout collective. En 2020, le confinement a montré que la qualité de l’air pouvait être améliorée en quelques semaines. Pour ce faire, est requise une action publique telle que l’instauration de réglementations plus strictes – celles proposées par l’OMS en 2021 pourraient représenter un premier pas. Mais le Dr Medina croit également en l’adoption généralisée d’habitudes de vie moins polluantes, qui pourrait être encouragée par les généralistes dans le cadre de leur rôle d’information et de promotion de la santé. « La santé environnementale devrait faire partie du cursus médical », estime-t-elle.


Source : Le Généraliste