On le sait, la santé mentale des Français, en général, a été fortement impactée par cette crise sanitaire, et celle des étudiants en particulier. Déjà plus vulnérables aux problèmes de santé mentale hors pandémie, une nouvelle étude de l’Inserm et de l’université de Bordeaux, publiée dans Scientific Reports, montre que les étudiants sont plus à risque de développer des problèmes psychologiques dans ce contexte de crise sanitaire et de confinement, que les non étudiants.
Cette étude, baptisée cohorte CONFINS, a comparé deux groupes : les étudiants et les adultes non-étudiants. Dans les deux groupes, le pourcentage de femmes, de personnes ayant eu des antécédents de maladie mentale ou travaillant dans le domaine de la santé était similaire.
Sur toute la période considérée (de mars 2020 à janvier 2021), les étudiants sont plus touchés par des problèmes de santé mentale. 36,6 % déclarent des symptômes dépressifs (contre 20,1 % des non étudiants), 27,5 % des symptômes d’anxiété (contre 16,9 %) et 12,7 % des étudiants ont rapporté des pensées suicidaires (contre 7,9 % des non étudiants). Des chiffres qui corroborent ceux déjà publiés en octobre 2020 dans une enquête du Centre national de ressource et de résilience (CNR2).
Une aggravation avec le deuxième confinement
L’étude montre également que, contrairement au reste de la population, la santé mentale des étudiants a tendance à s’aggraver au fil des confinements et déconfinements successifs.
Les fréquences des troubles de santé mentale sont beaucoup plus élevées en période de confinement que pendant le déconfinement dans ce groupe, et particulièrement lors du deuxième confinement. Plus de la moitié des étudiants (53 %) rapportent ainsi des symptômes dépressifs lors du deuxième confinement contre 36,3 % lors du premier confinement. Dans le même temps chez les non étudiants, la prévalence des symptômes dépressifs était respectivement de 18,7 % et 27,1 % lors des deux confinements. La différence entre les deux groupes de population se réduit en revanche en période de déconfinement, avec 27,1 % de symptômes dépressifs chez les étudiants contre 21,4 % pour les autres.
Au final, pour les étudiants, le risque était donc augmenté de 60 % de présenter des syndromes dépressifs ou anxieux pendant le premier confinement. Lors du deuxième confinement, ce surrisque grimpe à 80 % pour les syndromes dépressifs et 125 % pour l’anxiété.
« La vulnérabilité des étudiants n’a probablement pas une cause unique mais l’isolement et la solitude ont certainement beaucoup pesé. Les conditions matérielles et la difficulté de suivre les études sont également des facteurs importants », explique Mélissa Macalli, première autrice de l’étude.
Une appli à venir
Pour les auteurs de l’étude ces résultats impliquent donc d’avoir une action de prévention et d’accompagnement ciblée. « Il faut réaliser que les problèmes de santé mentale des étudiants ne sont pas derrière nous mais devant nous et qu’ils sont très diffus. Tous n’ont pas de maladie mentale sévère mais tous sont affectés, ont du mal à "fonctionner" correctement, et certains risquent de s’aggraver au cours du temps avec les risques de décrochage des études, de dépression, voire des comportements suicidaires dans le pire des cas », souligne le chercheur Christophe Tzourio, dernier auteur de l'étude.
Les scientifiques ont donc décidé de développer, dans les mois qui viennent, une application mobile qui sera testée dans le cadre de la cohorte CONFINS.
« Le but est que l’application, qui sera co-créée avec étudiants et professionnels de santé, apporte au plus grand nombre des connaissances sur les troubles mentaux et sur les dispositifs de soutien existants (professionnel de santé, numéros d’aide). D’autre part, pour ceux qui le souhaitent, elle leur permettra de mieux évaluer leur propre niveau de stress, d’anxiété et de dépression au cours du temps. Le plus souvent cela permettra de les rassurer et d’aider ceux qui en ont besoin à franchir le pas en sollicitant de l’aide de professionnels de la santé mentale dans une période de détresse », explique Mélissa Macalli.
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