Nouvelles indications pour le Ronapreve, résultats prometteurs avec un nouvel anticorps synthétique à longue durée d’action… Cet été, les annonces au sujet des anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2 se sont multipliées. Avec, en toile de fond, une utilisation potentielle de plus en plus large, notamment en prévention.
Développés pour cibler le virus et contrer son entrée dans les cellules humaines, les anticorps monoclonaux étaient initialement réservés au traitement précoce de l’infection chez les sujets à haut risque de forme sévère afin d’éviter l’aggravation. Ils ont fait, au début du mois, leur entrée à l’hôpital pour la prise en charge plus tardive du Covid-19. « L’idée est d’apporter des anticorps à certains patients hospitalisés, qui n’en produisent pas et dont l’état clinique s’est déjà aggravé », affirme Guillaume Martin-Blondel, professeur de maladies infectieuses au CHU de Toulouse. D’après l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), les données préliminaires de l’essai Recovery montrent en effet que chez les patients hospitalisés et n’ayant pas encore développé leur propre réponse immunitaire après une contamination par le SARS-CoV-2 (séronégatifs), l’association casirivimab/imdevimab (Ronapreve, laboratoire de Roche-Régénéron) « réduit la mortalité et le recours à une ventilation mécanique invasive par rapport à une prise en charge standard ».
Mais surtout, les anticorps monoclonaux peuvent désormais aussi être utilisés en prévention du Covid-19 pour certains patients immunodéprimés à haut risque de forme sévère et non protégés par la vaccination. Une immunisation passive qui peut être proposée dans deux contextes.
Prophylaxie post- et pré-exposition
Début août, la Haute Autorité de santé (HAS) a en effet donné son feu vert, via une autorisation d’accès précoce pré-AMM, à l’utilisation du Ronapreve en prophylaxie post-exposition du Covid-19. Il s’agit plus précisément d’administrer le médicament dans les trois jours suivant une exposition au virus aux cas contacts éligibles sous réserve d’une PCR et d’une sérologie négatives.
L’autorité sanitaire a aussi ouvert la voie à une utilisation avant toute exposition potentielle au SARS-CoV-2, en particulier chez les immunodéprimés à très haut risque de forme grave non-répondeurs à la vaccination. « En raison d’un manque de données, cette autorisation n’est pas étendue à ce stade aux patients chez qui des anticorps sont détectés mais qui sont faiblement répondeurs à la vaccination », précise la HAS. 130 000 Français ne répondant absolument pas à la vaccination pourraient tout de même recevoir du Ronapreve en pré-exposition, à raison d’une injection toutes les quatre semaines, tant qu’il existe un risque d’exposition au virus. Des données récentes montrent par exemple qu'environ 25 % des personnes immunodéprimées suite à une greffe ou à une leucémie lymphoïde chronique n'ont toujours pas d'anticorps détectables après la troisième dose.
Une administration contraignante
Si les anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2 ont le vent en poupe, ils présentent aussi plusieurs inconvénients qui écartent a priori une utilisation en population générale.
Au-delà de leur coût, souvent pointé du doigt, ces médicaments apparaissent particulièrement vulnérables face aux variants. Parce qu’ils ciblent la protéine Spike, une mutation de celle-ci permet au virus d’échapper facilement à ces anticorps, avec un risque de sélection des nouveaux clones présentant cet avantage évolutif. « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le bamlanivimab de Lilly, premier à être arrivé en France, n’est plus utilisé car il n’est pas efficace contre le variant Delta », rappelle le Pr Yazdan Yazdanpanah, infectiologue à l’hôpital Bichat (Paris) et directeur de l'ANRS-maladies émergentes. C'est aussi ce qui a poussé à les utiliser en association plutôt qu'en monothérapie.
Leur mode d’administration, uniquement en intraveineuse, par perfusion d’une heure, pose aussi des problèmes logistiques, même si de nouveaux venus pourraient bientôt réduire cette limite. À commencer par l’AZD7442 d’AstraZeneca, association de tixagevimab et de cilgavimab, deux anticorps à longue durée d’action, qui semble efficace en pré-exposition et pourrait permettre d’espacer les administrations dans cette indication. L’immunologiste Hervé Watier (Tours) met cependant en garde contre tout excès d’enthousiasme, rappelant notamment que ce candidat-traitement s’était finalement avéré inefficace en post-exposition. « Nous attendons des formes sous-cutanées », indique aussi le Pr Yazdanpanah, qui convient que l’idéal serait de pouvoir disposer de médicaments actifs per os, plus faciles d’utilisation et disponibles en ville. « En fait, les anticorps monoclonaux constituent une avancée, une arme thérapeutique intéressante contre le Covid-19 en l’attente d’un traitement antiviral précoce, qui pourrait être utilisé facilement comme l’oseltamivir contre la grippe », conclut le Pr Martin-Blondel.
À quand des antiviraux chimiques ?
Depuis l’échec des bras des grands essais cliniques Discovery et Solidarity consacrés au remdésivir, qui aura fini par se révéler peu efficace contre le Covid-19, les antiviraux chimiques potentiellement actifs contre le SARS-CoV-2 ont peu fait parler d'eux.
Cependant, plusieurs médicaments sont à l’étude.
Parmi les plus avancés, le chercheur Bruno Canard (Aix-Marseille) évoque d’abord le molnupiravir, développé par Merck et actuellement en essai clinique de phase 3, qui présenterait une très forte activité anti-virale.
Cependant, le spécialiste s’inquiète des effets indésirables potentiellement importants de ce candidat-médicament. Du fait de sa nature – analogue de nucléosides comportant une base modifiée – et de son mode d’action – mutagène capable, par définition, de tuer le virus par accumulation de mutations –, le molnupiravir pourrait en effet s’avérer cancérigène. Une allégation qui fait toutefois débat dans la communauté scientifique. « De grands virologistes comptent parmi les auteurs qui ont alerté sur la potentielle toxicité du molnupiravir chez l’hôte », rapporte le Dr Canard. « Je doute que la posologie à laquelle pourrait être utilisé le molnupiravir – qui doit d’abord finir de fournir la preuve de son efficacité – suffise pour le rendre si dangereux », estime pour sa part le Pr Yazdanpanah.
Combinaison
Un autre analogue de nucléoside, le favipiravir, déjà commercialisé à l’étranger (notamment au Japon) contre la grippe et à l’étude contre le Covid, ne serait pas concerné par ce risque de toxicité. Toutefois, « si cet agent mutagène n’est pas assez puissant pour endommager la cellule-hôte, il ne l’est pas non plus pour atteindre le SARS-CoV-2 », déplore Bruno Canard.
Finalement, l’espoir pourrait venir d’un troisième antiviral, l’AT-527 d’Atea Pharmaceuticals. « Cette molécule en phase 3 d’essais cliniques similaire au sofosbuvir – utilisé contre l’hépatite C – est disponible per os, absolument non toxique et si son niveau d’efficacité reste à préciser, je la vois bien parmi les futurs traitements du Covid-19 », s’enthousiasme le Dr Canard.
Quoi qu’il en soit, selon le chercheur, ces futurs antiviraux chimiques
anti-SARS-CoV-2 seront probablement, à l’instar des anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2, utilisés en combinaison les uns avec les autres.
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