Malgré des avancées majeures en cardiologie, on dénombre toujours quatre à cinq millions de morts subites dans le monde chaque année, et le taux de survie après un arrêt cardiaque ne dépasse pas les 10 % dans de nombreuses régions du monde. « Inacceptable », selon une trentaine d'experts internationaux, qui appellent, dans « The Lancet », à une refonte de la prévention et de la prise en charge des morts subites.
La mort subite représente plus de la moitié des décès d'origine cardiaque, et 20 % de la mortalité totale. Soit en France, environ 40 000 cas de morts subites par an, touchant des personnes âgées en moyenne de 68 ans, dont deux fois plus d'hommes.
Des cardiopathies ischémiques, souvent ignorées, sont à l'origine de 70 % des morts subites ; 20 % sont liées à des maladies structurelles cardiaques, essentiellement héréditaires, et 5 %, à des maladies cardiaques électriques (sans anomalie structurelle), souvent aussi héréditaires, chez les plus jeunes.
Le généraliste, un pilier de la prévention
« Le généraliste est un acteur clef dans la prévention de l'arrêt cardiaque et de la maladie coronaire », insiste auprès du « Quotidien » le Pr Eloi Marijon, professeur de cardiologie à l'université Paris-Cité et chercheur à l'Inserm, qui a coordonné la commission des spécialistes du « Lancet ». « Il peut ainsi dépister les patients à risque, en les interrogeant sur leur historique et la présence de stents, pontages, infarctus dans la famille mais aussi de morts subites », explicite-t-il. Avant de poursuivre : « Le généraliste peut être très efficace (peut-être davantage que le cardiologue ou le rythmologue qui traitent la minorité de patients à très haut risque) pour réduire le nombre de morts subites, en agissant sur les facteurs de risque cardiovasculaires : tabac, cholestérol, diabète, hypertension ».
L'identification des sujets à risque de mort subite est l'une des grandes difficultés actuelles. « C'est notamment ce qui explique la stabilité du nombre de morts subites en France ou dans le monde, explique le chef du service de cardiologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Peut-être que dans le futur on arrivera à identifier des sous-groupes de la population à qui proposer un screening, en particulier à l'aide de l'intelligence artificielle, mais pour l'heure, ce n'est pas le cas ».
Éducation de la population
Par ailleurs, les généralistes peuvent aussi sensibiliser leurs patients à l'importance de se former aux gestes qui sauvent. En effet, le massage cardiaque immédiat par le témoin et l'usage d'un défibrillateur grand public avant l'arrivée des secours sont des facteurs déterminants, pour une meilleure survie. Ceci d'autant que chaque minute qui s'écoule diminue de 10 % les chances de survie.
« Quand on fait un arrêt cardiaque, on n'a que 10 % de chances de sortir vivant de l'hôpital. Mais derrière cette moyenne pessimiste, on ne doit pas oublier que le taux de survie peut être extrêmement élevé (plus de 80 % selon des études récentes) lorsqu'il y a massage cardiaque et défibrillation dans les minutes qui suivent l'événement », nuance le Pr Marijon. C'est notamment le cas de la mort subite du sportif, avec des taux de survie qui dépassent les 60 % : « l'arrêt cardiaque se fait devant des témoins souvent éduqués aux gestes qui sauvent et avec à leur disposition, un défibrillateur », poursuit-il.
La commission du « Lancet » insiste donc sur ces deux facteurs. « Il faut éduquer la population et déployer les défibrillateurs dans tous les lieux publics en fonction de leur taux de fréquentation », résume le Pr Marijon. Ces derniers devraient être « enregistrés, accessibles 24 heures sur 24, reliés directement au système de répartition des urgences médicales, inclure la géolocalisation et transmettre l’état fonctionnel de l’appareil », mais aussi assurer une « transmission sans fil des performances des gestes de réanimation en cours » aux services médicaux d’urgence locaux, lit-on. En outre, les défibrillateurs mobiles devraient être développés pour atteindre davantage de victimes.
Ainsi, peut-on espérer réanimer 20 puis 30 % des personnes victimes d'un arrêt cardiaque. « On ne parviendra jamais à avoir 60 % de taux de survie en population générale, car deux tiers des arrêts cardiaques surviennent à domicile, la moitié du temps, sans témoin », met en perspective l'expert.
À noter : les formations ont été revues. Plutôt que de proposer 48 heures d'enseignement en une fois, les experts préconisent des séquences courtes (deux heures), mais répétées à partir de la fin de l'école primaire, en s'appuyant sur des médias interactifs : applications, réseaux sociaux, évènement de groupe, etc.
Mieux comprendre les mécanismes
Les experts du « Lancet » insistent par ailleurs sur l'importance de développer la recherche pour comprendre les mécanismes des arrêts cardiaques. Cela suppose notamment de pratiquer des autopsies, trop peu nombreuses en France (seulement 2 à 3 % des décès), regrette le Pr Marijon, et de mener des investigations complètes chez les rescapés, pour proposer un dépistage et une prévention aux apparentés. « La majorité des personnes décédées ne sont pas autopsiées. Or, si l'on veut mieux prédire, il faut mieux comprendre les mécanismes, donc être capable d'analyser davantage de données », a exposé Eloi Marijon.
Enfin, les spécialistes plaident pour le renforcement de la réhabilitation pour les 10 % de rescapés d'un arrêt cardiaque, qui peuvent avoir des séquelles psychologiques, psychomotrices, neurologiques… « L'approche doit être multidisciplinaire pour retrouver une qualité de vie normale », conclut le Pr Marijon.
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