Faudra-t-il prescrire un air pur sur ordonnance pour soigner les enfants malades de la pollution ? Le scénario n’est malheureusement pas si futuriste. L’asthme de l’enfant explose dans le monde avec 4 millions de nouveaux cas par an liés à la mauvaise qualité de l'air, selon les derniers chiffres publiés dans « The Lancet Planetary Health ». Pire, ces effets vécus tôt dans l’enfance pèsent sur le risque de maladie future et entraînent des conséquences à vie.
La prise de conscience est récente. Les conséquences spécifiques de la pollution chez l’enfant, ont été longtemps négligées et peu étudiées. Après un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fin 2018, plusieurs publications récentes montrent que les choses bougent, notamment en France avec les données de Respire en Île-de-France, de Greenpeace à Marseille et d'Unicef France.
« Il y a déjà largement assez de preuves pour justifier une action forte et rapide », estime l’agence onusienne tout en appelant dans le même temps à développer des recherches rigoureuses sur le sujet. En 2016, près de 93 % des enfants dans le monde étaient exposés à des taux de particules fines supérieurs à ceux recommandés, soit 630 millions d’enfants de moins de 5 ans. Le problème concerne en premier lieu les pays en développement, où la situation est la plus préoccupante avec la quasi-totalité (98 %) des enfants de moins de 5 ans exposés par rapport à la moitié (52 %) dans les pays développés.
« Poids le plus lourd sur les épaules les plus frêles »
Sur les 4,2 millions de morts prématurées dues à la pollution de l’air ambiant en 2016 dans le monde, 300 000 sont survenues chez des enfants de moins de 5 ans. La pollution de l’air est responsable de plus de la moitié de tous les décès par infections respiratoires basses chez les moins de 5 ans dans les pays en développement.
Dans « The Lancet Planetary Health », l’équipe coordonnée par Susan Anenberg de l'université George Washington a estimé que les centres urbains concentrent près de deux tiers des nouveaux cas d’asthme attribuables à la pollution de l’air (estimée via le dioxyde d’azote NO2).
Ville par ville, la proportion attribuable à la pollution culmine à 48 % des nouveaux cas d'asthme à Shanghai, en Chine. En valeur absolue pour 100 000 enfants, Lima, au Pérou, détient le triste record de la ville la plus pourvoyeuse de nouveaux cas d’asthme lié au NO2 chez les enfants, suivie de Shanghai et Bogota, en Colombie.
Risque augmenté de prématurité
Les effets sur la santé sont multiples, rappelle l’OMS, et ce, dès le début de la vie, in utero avec un risque augmenté de prématurité, de morts fœtales, d’hypotrophie puis, à la naissance, de mortalité infantile. Outre le risque respiratoire (pneumonies, asthme), la pollution de l’air augmente le risque ORL (rhinite allergique, otites moyennes), d’obésité, de troubles du neurodéveloppement (autisme, trouble avec déficit de l’attention et hyperactivité) mais aussi de cancers (leucémies, rétinoblastomes).
Une fois adultes, les enfants exposés tôt dans la vie aux polluants de l’air sont plus à risque de développer des problèmes de santé, notamment des maladies chroniques respiratoires mais aussi des maladies cardiovasculaires. Les pics de pollution, inquiétants et très bruyants du fait du recours aux urgences, pèsent néanmoins beaucoup moins sur la santé que l’exposition chronique, a révélé l’étude Aphekom.
Les programmes de surveillance sont essentiels pour évaluer l’état de santé d’une population, comme l’a souligné Santé publique France en 2016. Quasi simultanément au printemps, l’association Respire et Greenpeace ont publié un état des lieux du niveau de pollution, établissement par établissement, de la crèche au lycée, respectivement en Ile-de-France et à Marseille.
En Ile-de-France, si la situation s’est améliorée « de façon spectaculaire » selon Respire, 682 établissements sur 12 520 (5 %) restent exposés à des niveaux de pollution dépassant les normes de NO2, la grande majorité (n=548) se situant à Paris intra-muros. À Marseille, 25 % des écoles et des crèches sont situées dans des zones dépassant les seuils pour le NO2.
Des seuils trop tolérants ?
La situation est d'autant plus préoccupante, alors que les seuils sont remis en question. Pour les particules (PM10 et PM2,5 dites fines) à Paris, si la capitale affiche de bons résultats selon les seuils réglementaires européens (dépassement nul ou quasi nul), il n’en est pas de même avec ceux plus stricts de l’OMS, qui reflètent mieux l’impact sur la santé : 90 % des établissements dépassent les seuils pour les PM2,5 et la moitié ceux pour les PM10.
Pire, dans « The Lancet Planetary Health », les scientifiques indiquent que près de 92 % des cas d'asthme pédiatrique attribuables au NO2 surviennent dans des zones en dessous des seuils de l'OMS.
Dans le rapport UNICEF France, le Pr Jocelyne Just, allergologue à l’hôpital Trousseau (AP-HP), s’alarme : « À Paris, les enfants ont de plus en plus d’asthme de plus en plus sévère. Dans les années 1990, on réglait 90 % de l’asthme du nourrisson par un peu de corticoïde. Aujourd’hui, il faut trois à quatre traitements pour le contrôler ou pas ».
Soulignant « l’impact dévastateur » de la pollution sur la santé des enfants, l’OMS en appelle aux professionnels de santé qui sont les mieux positionnés pour « communiquer avec les familles, les communautés et les décideurs ». Pédiatres, médecins généralistes, gynécologues et obstétriciens, infirmiers, étudiants en médecine sont directement pris à parti.
Informer les populations, donner des conseils de prévention - par exemple éviter les grosses artères de circulation à pied et changer pour des itinéraires moins fréquentés, limiter au maximum les efforts physiques à l’extérieur lors de spics de pollution, aérer le logement tôt le matin ou tard le soir - mais aussi influer pour changer le cours des politiques globales, ce sont aujourd’hui de nouvelles missions pour les médecins en charge de la santé des enfants.
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