C’est une « victoire d’étape », salue Anaïs de Lenclos, porte-parole du syndicat du travail sexuel (Strass). Le 31 août, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), saisie après l’épuisement des recours en France, a jugé recevable la requête déposée par 261 travailleurs et travailleuses du sexe (TDS) pour l'abrogation de la loi française de 2016 pénalisant les clients de la prostitution. Sans se prononcer sur le fond, la Cour reconnaît que l’affaire « mérite le débat », a expliqué Sarah-Marie Maffesoli, coordinatrice chez Médecins du Monde, lors d'une conférence de presse au siège de l'association à Saint-Denis.
« Les requérants ont produit devant la Cour des témoignages décrivant la dégradation de leur situation depuis la pénalisation de l'achat d'actes prostitutionnels », indique la CEDH dans sa décision. Les requérants, soutenus par une vingtaine d'associations, estiment que la loi de 2016 constitue une violation de leurs droits fondamentaux.
Un « impact délétère » de la loi
L’entrée en vigueur de la loi a eu un « impact délétère » sur les conditions de vie et de travail des TDS, qui subissent une précarisation croissante. « Le rapport de force a changé », observe Anaïs de Lenclos, expliquant que les clients peuvent imposer leurs conditions. Depuis 2016, les TDS peinent à exiger le port du préservatif, « la négociation n’est plus possible », ajoute Florence Thune, présidente du Sidaction. Les impacts « vont en cascade », poursuit-elle, soulignant les obstacles croissants au déploiement de stratégies de prévention.
Plus isolées, les TDS sont plus exposées à des traitements inhumains et dégradants : aux violences sexistes et sexuelles, mais aussi à l’exploitation, car contraintes de recourir à un intermédiaire (site ou proxénète) pour exercer. Elles sont aussi plus exposées aux risques de contamination aux infections sexuellement transmissibles (IST). Conséquence de la loi, les statistiques de séroprévalence VIH des femmes trans TDS en Île-de-France, parmi lesquelles on compte une majorité de migrantes, sont en hausse. De 2019 à 2022, elle est passée de 2 à 9 %, selon le Strass.
Le syndicat, qui collabore avec le Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) et une équipe de l’hôpital Bichat à Paris pour le suivi de 400 femmes trans, observe un phénomène de décrochage dans l’observance de la propylaxie pré-exposition contre le VIH (Prep). « La stratégie de primo-inclusion fonctionne », rapporte Giovanna Rincon, directrice de l’association Acceptess-T. Mais, après plusieurs semaines, le traitement est moins suivi. Les remontées des TDS font état d’une mobilité permanente induite par la loi qui complique l’accès aux traitements. Les violences, y compris « gratuites », sont en hausse, avec notamment des « ITT de plus de 40 jours » et pour certaines « des séquelles invalidantes ».
« Nous espérons que la décision sur le fond prendra en considération les effets délétères de la loi sur nos vies, notre santé et notre sécurité », conclut Anaïs de Lenclos.
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