Alors que les produits à base de cannabidiol se multiplient, sans cadre réglementaire français véritablement adapté, certaines interrogations persistent quant à leurs effets potentiels.
Infusions, liquides de e-cigarette, cosmétiques, chocolat, vin, etc. Depuis plusieurs mois, les produits contenant du cannabidiol (CBD) – un des composants majoritaires du Cannabis sativa avec le tétrahydrocannabinol (THC) – semblent se multiplier sur le marché français à la faveur d’une réglementation floue, suscitant de nombreuses interrogations sur leurs effets potentiels.
Contrairement au THC, cannabinoïde psychoactif non autorisé en France si ce n’est à titre dérogatoire au cours de l’expérimentation sur le cannabis thérapeutique récemment lancée, le CBD n’est pas considéré comme un stupéfiant. « Par sa structure différente, le CBD n’interagit pas avec les récepteurs CB1 », qui médie l’effet psychodysleptique, enivrant et addictogène du cannabis, explique Jean-Pierre Goullé, vice-président de la Société française de toxicologie analytique. « Le CBD agit cependant sur d’autres récepteurs, ce qui lui confère d’autres propriétés pharmacologiques. »
Des propriétés mal documentées
La mieux décrite est son caractère anticonvulsivant, le seul médicament à base de cannabidiol actuellement disponible étant autorisé dans cette indication. Depuis décembre 2019, l’Epidyolex® peut en effet être utilisé comme adjuvant au clobazam chez les enfants atteints d’épilepsies rares – le syndrome de Dravet et le syndrome de Lennox-Gastaut.
Mais ce n’est pas pour ses propriétés anti-convulsivantes que le CBD est consommé sous forme de produit « bien-être ». L’engouement autour du CBD s’expliquerait en effet plutôt par d’autres effets potentiels du cannabinoïde. « Par exemple, le CBD est supposé présenter une activité anxiolytique, sédative », indique le Pr Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie : d’après une revue de la littérature réalisée en 2017 par les Académies américaines des sciences, de l’ingénierie et de la médecine, le CBD aurait montré chez la souris un effet anxiolytique. En outre, le CBD pourrait également, selon des études conduites sur l’animal ou sur des effectifs relativement réduits de volontaires, s’avérer antidépresseur, antipsychotique, neuroprotecteur, antalgique (actif en particulier contre les douleurs chroniques), etc. Cependant, « ces effets restent discutés », insiste le Pr Benyamina.
« En fait, on ne peut pas nier que le CBD pourrait avoir un certain nombre d’effets », admet le Pr Goullé. « Toutefois, on ne peut pas revendiquer d’allégations thérapeutiques tant qu’il n’y a pas eu d’AMM sur la base d’essais cliniques solides. » Si quelques condamnations ont été prononcées, le plus souvent, les coffee shops français se contentent « de mettre en avant des propriétés de détente, d’anxiolyse, etc. en jouant sur les mots et profitant de la position hybride du CBD, de la confusion avec le cannabis », décrit le Pr Benyamina.
Interactions médicamenteuses
Pourtant, « le CBD n’est pas une molécule anodine », répète l’Académie nationale de pharmacie, qui met en garde contre ses effets indésirables. Les essais cliniques menés lors du développement de l’Epidyolex® ont en effet montré que le CBD peut induire de la fatigue, de la fièvre, des troubles digestifs, des troubles du comportement, et surtout des atteintes hépatiques. Autre problème : le CBD inhibe les cytochromes P 450, d’où des interactions avec de nombreux médicaments. Enfin, l’Académie de pharmacie pointe un « effet cumul particulièrement dangereux » lié à une consommation excessive non contrôlée. « L’utilisation sur des animaux de doses supérieures à celles préconisées pour l’Epidyolex® a mis en évidence une mortalité embryo-fœtale, des troubles du développement, une atteinte du système nerveux central et une neurotoxicité, des lésions hépatocellulaires, une oligospermie, des modifications du poids des organes, des altérations du système reproducteur mâle et une hypotension », liste-t-elle. Enfin, le CBD végétal est susceptible de contenir des traces résiduelles de THC.
Pour autant, le CBD n’est pas interdit en France et pourrait même avoir un intérêt chez certains patients, estime le Pr Benyamina, sous réserve d’une réglementation claire. Or sur ce point, addictologues, toxicologues et académiciens semblent unanimes : un cadre adapté manque encore en France. Tous demandent un meilleur encadrement de la publicité, de la consommation, et même de la composition des produits à base de cannabidiol – notamment de leur teneur résiduelle en THC. À ce titre, le Pr Goullé appelle d’ailleurs à inciter les patients à ne pas se procurer de CBD sur internet. « Des études ont montré que plus de 50 % des produits vendus sur internet ne sont pas conformes à l’allégation de l’étiquetage », alerte-t-il.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation