Alors que la campagne de rappel française est lancée, l’intérêt d’une troisième dose chez les sujets immunocompétents fait débat.
Même si, pour le moment, le rappel pour tous n’est pas d’actualité, certains pays tendent à en élargir les indications. En France, les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) devraient ainsi conduire à revacciner finalement près de 18 millions de personnes*. Outre-Manche, le Royaume-Uni vient de préconiser une dose de rappel pour tous les soignants, les sujets présentant des facteurs de risque de forme grave et les individus de plus de 50 ans – soit 30 millions de personnes.
À l’origine de ces décisions, des données suggérant que l’efficacité des vaccins anti-Covid-19 à ARNm diminue avec le temps. « Les études récentes évoquent une réduction de l’efficacité de tous les vaccins », soulignait ainsi la HAS dans son avis du 23 août. Aux États-Unis, les CDC (Centers for Disease Control) indiquaient il y a quelques semaines avoir constaté, entre le printemps et la fin août, une chute d’efficacité des vaccins de 91 à 66 % contre les formes symptomatiques de Covid-19. De même, au Royaume-Uni, une vaste recherche conduite en population générale fait état d’une diminution graduelle du niveau de protection conférée par les vaccins, en particulier à ARNm, passant de 90 % 14 jours après la seconde injection à 85 % à J60, 78 % à J90, etc.
Un phénomène qui pourrait être renforcé par l’émergence du variant Delta, « qui impose d’avoir des concentrations en anticorps plus élevées que ce qui était requis avec la souche originale pour que le vaccin soit parfaitement efficace », explique le Pr Odile Launay (centre d’investigation clinique en vaccinologie Cochin-Pasteur).
Cependant, les études observationnelles faisant état d’une baisse d’efficacité des vaccins au fil du temps « présentent des limites méthodologiques qui peuvent affecter les estimations de l’efficacité des vaccins », reconnaît la HAS. Aussi, cette moindre efficacité potentielle doit-elle être confirmée par d’autres études et à plus long terme, estime l’institution.
Peu de perte d’efficacité du vaccin vis-à-vis des formes graves
De plus, cette perte d’efficacité concernerait peu, voire pas, les formes graves d’infection à SARS-CoV-2. Pour l’Agence européenne des médicaments (EMA), les données actuelles montrent au contraire « que tous les vaccins autorisés sont actuellement hautement protecteurs contre les hospitalisations, les maladies graves et les décès liés au Covid-19 ». Un constat partagé par des experts de la Food and Drug Administration (FDA) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui viennent de publier dans le Lancet un article appelant à temporiser, rappelant que l’objectif principal de la vaccination est bien la prévention de ces formes graves.
Par ailleurs, la balance bénéfice-risque du rappel est discutée. À l’échelle individuelle, les données sur le potentiel gain d’efficacité et sur les risques associés au rappel manquent encore, comme le soulignent les autorités européennes. D’autre part, il ne semble pas encore possible de déterminer selon des bases scientifiques les modalités optimales d’administration de cette 3e dose (cibles, délai d’administration après la primo-vaccination, dosage, pertinence d’un schéma homologue ou a contrario hétérologue, etc.).
À l’échelle collective, le rapport bénéfice-risque du rappel fait aussi polémique. Dans un contexte où une part non négligeable de la population mondiale n’a toujours pas accès à la primo-vaccination, les détracteurs du rappel estiment que ces bénéfices ne dépasseraient pas ceux associés à des campagnes qui se concentreraient, sur tous les continents, sur la vaccination des individus encore non vaccinés qui en ont le plus besoin. « Même si un certain gain peut finalement être obtenu grâce à ce rappel, cela ne l’emportera pas sur les bénéfices associés au fait de fournir une protection initiale aux personnes non vaccinées », affirme ainsi le premier auteur de l’article du Lancet. Un argumentaire qui ne fait pas consensus, certains relativisant les tensions d’approvisionnement.
Un signal potentiellement négatif pour l’opinion publique
Enfin, beaucoup s’inquiètent de l’impact négatif sur l’adhésion de la population à la vaccination que pourraient engendrer des campagnes de rappel trop anticipées. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) pointe les dommages collatéraux que pourrait provoquer une marche arrière si le rappel venait à s’avérer scientifiquement non pertinent. Dans le même esprit, le Pr Yves Buisson, président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine, craint que cette campagne de rappel ne jette le doute sur les performances des vaccins.
Au total, les autorités européennes, qui viennent de débuter l’évaluation d’une dose de rappel 6 mois après la primovaccination, enjoignent de ne pas se précipiter sur le rappel en population générale. De nouvelles données parues très récemment dans le NEJM pourraient toutefois rebattre les cartes. En effet, des épidémiologistes rapportent qu’en Israël, où tous les plus de 60 ans vaccinés depuis plus de 5 mois ont accès au rappel depuis le 30 juillet, cette troisième dose aurait permis, de faire chuter d’un facteur 19,5 les formes sévères de Covid-19 par rapport aux chiffres observés chez les primo-vaccinés.
* Résidents d’EHPAD et d’USLD ; personnes âgées de 65 ans et plus ; sujets à risque et à très haut risque de forme grave de Covid-19 ; immunodéprimés sévères ; personnes ayant été primo-vaccinées avec le vaccin Janssen
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