Tribune contre tribune. En réponse à l'appel de 156 députés issus majoritairement de la majorité publié le 1er mars dans « Le Monde » en faveur de la légalisation de l'euthanasie, au nom d'un « droit au choix », 85 parlementaires (dont de nombreux sénateurs) mettent en garde contre une évolution de la loi Leonetti-Claeys, toujours dans le quotidien du soir. À noter, les deux tribunes ne font pas clairement de distinction entre euthanasie (acte pour un soignant de provoquer le décès d'un patient à sa demande) et assistance au suicide (acte d'aider une personne à se suicider).
« Ouvrir la porte à la légalisation de l'euthanasie, n'est-ce pas un encouragement de cette pratique ? », s'interrogent les signataires de cette tribune, au premier rang desquels se trouvent les sénateurs Michel Amiel, LREM, et Gérard Dériot, LR, tous deux co-rapporteur de la loi Claeys-Leonetti, Philippe Bas (LR), ou encore Alain Milon (LR, président de la commission des affaires sociales).
Et de répondre par l'affirmative, en raison d'un double contexte. D'une part, le « problème de l'insuffisance des soins palliatifs, pour ne pas parler de grande misère ». D'autre part, le regard que notre société « déshumanisée, hygiéniste », porte sur la mort « devenue indécente, tel un dernier tabou ».
Deux conceptions de la liberté
Les députés partisans de l'euthanasie mettent en avant « le choix souverain du malade, et son désir de maîtriser son destin » ; « l'exercice de ce droit n'enlève rien à personne », écrivent-ils. Les auteurs de cette seconde tribune renversent l'argument. « Vouloir une loi, donc un cadre normatif pour la fin de vie, c'est alimenter un "bio-pouvoir", une société de contrôle », argumentent-ils en faisant référence à Michel Foucault. « Faut-il une uniformisation de la bonne façon de mourir (euthanasie), une mort aseptisée et cachée, presque honteuse ? », demandent-ils sur le ton de la provocation.
Les auteurs mettent aussi en garde contre l'évolution « vers une médecine eugénique » et s'interrogent sur le sort des malades incurables, qui peuvent exprimer leur volonté.
« Laissons à celui qui voudrait choisir le moment de sa mort, la liberté de le faire en dehors de tout cadre normatif », concluent-ils.
Bouleversement du contrat entre soignant et patient
En regard de cette contribution, « le Monde » publie un texte d'Anne de la Tour, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui répond également à la tribune des 156 députés. Avant toute nouvelle modification législative, elle demande l'application de toutes les lois sur la fin de vie votées depuis 1999 pour que l'on puisse mourir mieux en France. Dépénaliser l'euthanasie ne serait pas un droit de plus, « mais un peu plus de conflits intérieurs, de tensions familiales, de culpabilisation, d'inconfort et d'angoisse », en ce que cela obligerait les personnes à l'envisager.
Réfutant l'idée que le droit à l'euthanasie n'enlève rien à personne, le Dr de la Tour estime que cela « bouleverserait le contrat de confiance entre le soignant et le patient, et renverserait le code de déontologie médicale : tuer la personne qui souffre, même avec la plus grande compassion n'est pas un soin ». « Nos choix personnels ont tous une dimension collective, surtout quand, pour l'euthanasie ou le suicide assisté, ils requièrent nécessairement l'assistance d'un tiers », écrit la présidente de la SFAP, tout en se souciant des conséquences de cette ouverture sur les plus faibles « c’est-à-dire chacun d'entre nous ».
La fin de vie est l'un des neuf thèmes soumis au débat public et citoyen, dans le cadre des États généraux de la bioéthique, lancés le 18 janvier. Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, le 8 mars dernier, Jean-Claude Ameisen, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, invitait les sénateurs à penser ensemble euthanasie et soins palliatifs, comme des « manières de répondre à une souffrance individuelle, et d'écouter la détresse des personnes ». « En France, on a l'impression que c'est soit euthanasie pour tous, soit soins palliatifs pour tous », a-t-il regretté.
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