Elle aurait dû voir le jour en 2018. La troisième révision des lois de bioéthique depuis 1994, avec ses petits (sur la génétique et génomique) et grands bouleversements (sur l'assistance médicale à la procréation, AMP), devrait aboutir en 2020.
Après une première séquence consacrée à la réflexion, des citoyens, dans le cadre des États généraux de la bioéthique de 2018, et des instances expertes (Comité consultatif national d'éthique, Agence de la biomédecine, Conseil d'État, Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques), 2019 fut l'année du travail législatif.
Porté par les ministres de la Santé, Agnès Buzyn, de la Recherche, Frédérique Vidal, et de la Justice, Nicole Belloubet, le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 24 juillet. Il a été retravaillé à l'automne par l'Assemblée nationale, d'abord en commission spéciale puis en séance publique. Les députés l'ont solennellement voté à une large majorité le 15 octobre, dans un climat relativement « serein », comme le souhaitait le gouvernement. Ce qui ne masque pas pour autant les profondes divergences au sein de l'hémicycle... Et de la société.
Fin du critère de l'indication médicale dans l'AMP
Le projet de loi étend l'accès remboursé à l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, le critère de l'indication médicale disparaît de la loi. Il devient aussi caduc pour l'autoconservation des gamètes, que le gouvernement veut autoriser sans l'encourager. Les centres privés ne pourront pas assurer la conservation des gamètes. Les députés ont inscrit dans la loi l'obligation pour le gouvernement d'informer les Français sur l'infertilité.
Autre bouleversement, le projet de loi prévoit qu'à sa majorité, un enfant conçu avec tiers donneur pourra demander l’accès à des données non-identifiantes ou/et à l’identité du donneur. Une personne ne pourra donner ses gamètes que s’il consent à l’éventuelle transmission de ces informations, conservées par l’Agence de la biomédecine (ABM). Les donneurs pourront connaître le nombre d'enfants issus de leur don, leur sexe, et leur année de naissance, ont ajouté les députés. Ceux qui ont donné sous le régime de l'anonymat ne seront pas recontactés.
Les députés ont refusé de franchir certaines barrières : s'ils ont autorisé le double don de gamètes, ils ont fermé la porte à l'AMP post-mortem, au don dirigé (lorsque le patient vient avec son propre donneur), à la technique de réception d’ovules de la partenaire (ROPA) par la femme qui porte l’enfant, et à la gestation pour autrui (GPA).
Encadrement strict des tests génétiques
La loi de bioéthique réaffirme l'encadrement médical des tests génétiques (via l'interdiction de la publicité pour les tests d'accès direct et le renforcement du rôle du généticien dans l'annonce d'informations sensibles) et ne modifie qu'à la marge le champ d'application des examens génétiques. Elle les autorise chez une personne qui ne peut exprimer sa volonté (y compris décédée), dans son intérêt ou celle de sa famille, lorsque le médecin suspecte une anomalie génétique grave.
Mais les députés ont renoncé (non sans polémique) à étendre le diagnostic pré-implantatoire à la recherche d'aneuploïdies, à inscrire le dépistage néonatal dans la loi, ou à autoriser le dépistage préconceptionnel en population préconceptionnel. Ils ont aussi mis fin à la pratique du diagnostic pré-implantatoire (DPI) couplé à un typage HLA (DPI-HLA) connue sous le nom de « bébé médicament ».
Recherche : l'embryon distingué des cellules-souches et des cellules iPS
La loi distingue pour la première fois le régime de recherche sur l’embryon (qui implique depuis 2013 une demande d’autorisation auprès de l’ABM) et celui des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, pour lesquelles une déclaration à l'ABM suffira. Idem pour certaines recherches sensibles avec des cellules pluripotentes induites (IPS).
Les députés ont limité le développement des embryons in vitro destinés à la recherche à 14 jours, et la conservation des embryons donnés à la recherche à cinq ans. Le gouvernement est resté ferme sur l’interdiction de créer un embryon pour la recherche, de recourir à l’édition du génome d’un embryon qui serait réimplanté, ou d’introduire des cellules animales dans des embryons humains.
En séance publique au Sénat fin janvier
Enfin, les députés ont introduit les intersexes dans la loi, en demandant l'orientation systématique des enfants vers le Centre de référence des maladies rares. Si elle n'interdit pas toute opération chirurgicale comme le souhaiteraient certaines associations, la loi précise que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ».
Le texte est désormais dans l'œil du Sénat. Après deux mois d'auditions de la commission spéciale fin 2019, il sera examiné en séance publique les deux dernières semaines de janvier.
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