Alerte sur la maltraitance des personnes âgées

Le CCNE appelle à une refonte du soin

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Publié le 22/05/2018
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maltraitance agees

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Concentration, institutionnalisation forcée, ghettoïsation : le constat que dresse le CCNE de la condition faite en France aux personnes âgées est cinglant.

« Elles se retrouvent concentrées dans des lieux où elles ne voulaient pas aller et pour lesquels on leur demande de payer cher. Quel soubassement éthique y a-t-il à cela ? Aucun », résume le Pr Régis Aubry, co-rapporteur de l'avis, ancien président de l'observatoire national de la fin de vie. Conséquence : exclues de la société, ces personnes éprouvent un sentiment d'indignité. Dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), 40 % des résidents présentent un syndrome dépressif (sous diagnostiqué et sous traité) ; 11 % ont des idées de suicide. 

« C'est le reflet d'une dénégation collective de la vieillesse et de la fin de la vie », dénonce le Pr Aubry. Cet âgisme imprègne (inconsciemment) jusqu'aux comportements des soignants, lit-on dans l'avis, aux urgences par exemple, où « il existe un certain degré de ségrégation ; les personnels soignants n'ayant pas tendance à s'occuper des personnes âgées en priorité ». 

Cinquième risque

Le CCNE propose plusieurs leviers pour sortir de l'indignité, à commencer par la création d'un cinquième risque de la sécurité sociale. « La perte d'indépendance a un coût, il faut l'assumer, c'est central et inévitable », prévient le Pr Aubry. 

Le CCNE plaide pour une meilleure reconnaissance, via un statut, mais aussi un plan pour le répit et le soutien des aidants. Derrière cette mesure, c'est un bouleversement du système de soin qui se joue, en se décalant de l'individu au couple aidé-aidant, note la philosophe Cynthia Fleury, co-rapporteure. « Notre système de santé n'est plus adapté. La médecine concourt à créer des situations qu'elle n'assume pas derrière », constate le Pr Aubry. Elle doit désormais se tourner davantage vers le travail en équipe, l'éthique - ce qui ne va pas sans une réforme de la tarification pour qu'elle ne valorise pas seulement l'activité, mais aussi la réflexion -, et la prise en compte de la singularité et de la complexité (tandis que l'intelligence artificielle pourrait prendre en charge ce qui relève de normes). Sans oublier une nécessaire revalorisation des métiers du care. 

Le CCNE invite à revoir l'organisation des EHPAD, en favorisant les alternatives (habitat intergénérationnel, etc.) et en réfléchissant à l'EHPAD hors les murs. « Varier l'offre d'habitat est une démarche éthique pour que le consentement ne soit pas un simulacre » insiste Cynthia Fleury. 

Enfin, c'est sa vision des anciens que notre société doit transformer. « Nous n'avons qu'une approche déficitaire et non capacitaire de la vieillesse. L'autonomie, décider, doit s'articuler avec la vulnérabilité » explique la philosophe. « Nous essayons d'impulser un changement de regard aussi profond que celui qui a eu lieu dans le champ du handicap », conclut le Pr Jean-François Delfraissy, président du CCNE.

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9666