Devant la multitude des nouveaux codes en cardiologie, j'exprime mon désaccord en tant que simple médecin libéral et en tant que simple citoyen. Je ne parle pas des codes des devoirs généraux des médecins qui sont les suivants : Article 2: Respect de la vie et de la dignité de la personne; Article 3: Principes de moralité et de probité; Article 4: Secret professionnel; Article 5: Indépendance professionnelle; Article 6: Libre choix; Article 7: Non discrimination; Article 8: Liberté de prescription...
En développant l'article 5, le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. Pour l'article 6, le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l'exercice de ce droit. L'article 8 nous dit que dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime le plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins.
Esculape et Hippocrate, nos illustres prédécesseurs
Je voudrais aussi rappeler deux personnes dont nous, les médecins d’aujourd’hui, sommes les héritiers.
Esculape est le médiateur entre le monde immortel et mortel. Si Esculape mettait l'homme au niveau des mortels et enseignait que la maladie est une punition divine, le médecin n’était qu'au service de l'homme pour nettoyer le corps et l’âme du miasme. Dieu de la médecine, fils d'Apollon il apprend la médecine par le centaure Chiron. Il est mort foudroyé par Zeus car il a ressuscité des morts en trahissant les secrets d’immortalité des dieux. Ses filles sont Hygie, déesse de la santé et Panacée déesse des soins. Il pratique une médecine par les songes: l'incubation. Les patients dûment purifiés doivent passer la nuit dans le temple. Pendant leur sommeil, le dieu leur dicte le traitement. Il est l’ancêtre mythique des Asclepiades, une dynastie de médecins exerçant à Cos et Cnide, dont Hippocrate est l'heureux descendant.
Hippocrate, fils d'Esculape fait sortir la médecine de la croyance vers la science de l'observation et le raisonnement logique. Il a fallu des millénaires pour que la médecine sorte de l'exploit divin vers l'exploit humain. Hippocrate disait que la médecine doit utiliser la science pour améliorer les connaissances et les mettre au service du malade pour comprendre la racine du mal et le soigner. De cette médecine nous sommes, nous les médecins d'aujourd'hui, les héritiers.
Une nouvelle ère
Mais voilà que nous entrons dans une nouvelle ére. Les changements climatiques, les mouvements des populations aidés par les locomotions rapides, l’intelligence artificielle qui tend remplacer le cerveau humain en le formatant à son goût... Mais où est la pensée humaine? Comment peut on sauver le rêve, la créativité... Comment peut-on éviter d'entrer dans la médecine aveugle, stérile, dépourvue d’âme. C'est à dire malade?
J'ai lu, avec un grand intérêt, le livre «IBM et Holocauste» de Edwin Black paru en 2001 expliquant comment le gouvernement d' Adolphe Hitler avait utilisé la technologie de International Business Machine (IBM) pour le génocide Nazi.
Le passage à l'heure informatique se fait lentement mais sûrement puisque la nouvelle génération ne s'exprime que par l'informatique.
Quelles abréviations
La médecine actuellement est basée sur une multitude de codes sensés organiser une rémunération des médecins, assurer la qualité des soins et la protection de la santé sociale et éviter les fraudes. Pouvez vous comprendre ces codes? DEQPOO3, C2, CS, MPS, MCS, DA, DE,etc. ? Moi pas. Je les utilise pour pouvoir transmettre à la CPAM les actes que je fais pour les patients. Mais où est la médecine ici? Où est la déontologie médicale que je dois surveiller en tant qu'adepte du serment d'Hippocrate et transmettre à la nouvelle génération? Où est la liberté de l'exercice médical si tout est codé à un acte?
Où est la beauté d'une abréviation comme ECG (EKG en anglais), abréviation internationale connue et reconnue par tous et qui rappelle l’Electrocardiogramme et qui étymologiquement nous amène à électron et la connaissance de la chimie et physique pour justifier un acte diagnostic d'un infarctus, d'un trouble du rythme. Quelle est sa relation avec le code DEQP003 qui n'est qu'un acte dont le coût est aujourd'hui de 14,26 euros et qui tue la connaissance et la curiosité d'apprendre. Une autre abréviation est l'ECHO, échographie, qui nous amène à ce mythe formidable de la nymphe ECHO (Métamorphoses d'Ovide) qui était punie par Hera de ne répéter que les derniers mots. Comment peut-on la mettre en relation avec le code DZQM006 qui est vide de sens et qui ne signifie que 96,49 euros.
Alors, je pose la question: Quel est le code pour les nuits blanches au chevet des patients lors de nos gardes? Quel est le code pour les angoisses de ne pas se tromper de diagnostic et s'assurer que le patient aille bien? Quel est le code de tous les examens passés pour arriver à donner confiance aux patients et les emmener vers la santé?
Ouvrons la voie à la vraie réflexion constructive.Transformons les codes en des codes de connaissance, compréhensibles par tous. Des codes qui nous enrichissent et nous emmennent vers l’humanité, universalité, éternité. Ce que nos étudiants vont hériter de nous. Si nous continuons avec ces codes imposés il n'y aura que la sécheresse, l'aveuglement, la mort d'une culture et l’amnésie et puis... la démence sociale, puisque chaque individu aura oublié la racine de chaque mot.
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