Aucun effet sur la mortalité ni sur la durée d’hospitalisation pour le remdesivir. Tel est le verdict annoncé le 15 octobre 2020 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont
l'essai clinique Solidarity planchait depuis février sur l’efficacité de l’antiviral contre le SARS-CoV-2. Un mois plus tard, le 20 novembre, l’OMS en déconseille même l’usage, soulignant le risque « d’importants effets secondaires » ainsi que le coût financier et logistique du médicament.
Pourtant, le 7 octobre, plusieurs dizaines de pays en ont passé commande, dans le cadre d’un vaste contrat européen chiffré au total à plusieurs centaines de millions d’euros. La pandémie amorçait sa deuxième vague. « Ces pays ont fait jouer le principe de précaution : c’est cher mais on tente le coup, se sont-ils dit », relate le Dr Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé et membre de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS).
Pour la HAS, un service médical rendu faible
Lancé en février, un grand essai américain sur 1 000 participants soutenu par les Instituts nationaux des allergies avait donné un résultat mitigé. Les patients Covid ayant une forme grave récupéraient en moyenne en dix jours avec du remdesivir, contre quinze dans le groupe placebo. Mais aucune différence sur la mortalité n’était rapportée. C’est grâce à ces résultats que le produit a obtenu le feu vert des agences du médicament américaine et européenne pour sa commercialisation.
Dans ce vaste approvisionnement automnal, la France s’est démarquée, seul grand pays européen à ne pas avoir acheté de doses, face à un total de… 37 commanditaires. « La France n’a pas passé commande du fait des réserves [...] de la Commission de la transparence de la HAS [émises en septembre] et dans l’attente de l’avis du Haut Conseil de la santé publique [sur les traitements en cours] », rapporte au « Quotidien » le ministère de la Santé. En juillet déjà, la HAS statuait sur un faible service médical rendu (SMR) du remdesivir. Et restreignait ses indications aux patients oxygéno-dépendants.
L’Hexagone s’est impliqué très tôt dans les essais cliniques sur les traitements contre le SARS-CoV-2, sur lesquels la HAS mène une veille resserrée. Avant de devenir européen, l’essai Discovery, qui est rattaché à Solidarity et testait aussi le remdesivir, a été lancé en France. « En dépit de notre connaissance précoce des premières données concernant leur molécule, nous étions prêts à recevoir les contre-arguments de Gilead, relate le Pr Pierre Cochat, président de la Commission de la transparence de la Haute Autorité. Hélas, le laboratoire a finalement décidé de renoncer à l’audition contradictoire prévue en septembre en vue d’obtenir un remboursement. »
La France, un pays « retors »
Probable que le retrait de la demande de remboursement du laboratoire ait été reçu comme un aveu d’échec. « Gilead le savait, la France est réputée comme retors, avec des analyses particulièrement agressives et indépendantes », relève la journaliste Lise
Barnéoud, auteure d’une enquête du « Monde » sur l’affaire remdesivir. Certains en feraient même une stratégie, cherchant d’abord à obtenir un feu vert français. « Une bonne note de la HAS en premier lieu, un SMR fort par exemple, donne aux laboratoires désireux de vendre en Europe une position favorable dans les négociations ultérieures avec d’autres pays, notamment sur les prix », détaille Lise Barnéoud.
Pour le Pr Cochat, « notre travail, réputé exigeant, voire sévère par les industriels, est aussi dans leur intérêt. Notre prudence joue en faveur de leur crédibilité. De même que notre indépendance. Nous restons preneurs en urgence de tous les produits efficaces sur la mortalité. L’histoire du remdesivir a donc été une grande déception. »
Plusieurs milliers de doses de remdesivir, in fine relativement peu prescrit en France, avaient été allouées à la France par Gilead et par la Commission européenne dans le cadre d’un premier contrat en juillet. Celles qui restent ne seront pas délivrées aux établissements de santé. Le 3 décembre, le Haut Conseil de la santé publique invitait à « ne pas prescrire le remdesivir. »
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