« La crise n’est pas terminée », a averti l’avocat Christophe Lèguevaques, lors d’un point presse ce 7 juillet, alors qu’il lance, à la demande de deux associations de patients, une nouvelle action collective dans le dossier du Lévothyrox.
Le changement de formule en 2017 de ce médicament contre l'hypothyroïdie (modification de certains excipients), incriminé dans l’apparition d’effets secondaires, est depuis plusieurs années au cœur d’une bataille judiciaire entre le laboratoire Merck, son fabricant, et des patients, qui, entre mars 2017 et avril 2018, ont rapporté des maux de tête, insomnies, vertiges, etc.
En mars dernier, la Cour de cassation avait confirmé la condamnation de Merck, prononcée en 2020, à indemniser (1 000 euros par plaignant) plus de 3 300 utilisateurs du Lévothyrox ayant présenté des effets indésirables à la suite du changement de formule. Cette décision reconnaît définitivement le défaut d’information des patients comme une « faute » de Merck, estime l’avocat, qui compte s’appuyer sur cette jurisprudence pour permettre à d’autres personnes concernées d’accéder à une indemnisation.
Près d’un million de malades potentiellement concernés
« Si l’on en croit les chiffres de la Sécurité sociale, entre 2017 et 2018, c'est près d’un million de malades qui ont abandonné le Lévothyrox » pour un traitement alternatif, poursuit Christophe Lèguevaques. Afin que ces patients puissent également percevoir une indemnisation, l’avocat propose une procédure inédite en France. S’inspirant des actions collectives menées aux États-Unis, il réclame un milliard d’euros à Merck au nom de deux associations, la Fédération des accidentés de la vie (FNATH) et Vivre sans thyroïde.
Cette somme « ne serait pas reversée directement sur le compte des associations », explique l’avocat, mais placée dans une fiducie (équivalent français d’un trust), créée spécifiquement pour la distribution des indemnités « à toutes les personnes ayant subi le préjudice défini par la jurisprudence ». Plutôt qu’une procédure « ingérable » avec un million de plaignants, cette option représente un « moyen d’accéder aux droits », plaide Nadine Herrero, présidente de la FNATH.
En cas de victoire face à Merck, les associations espèrent disposer de cinq ans « pour identifier les bénéficiaires, mener des campagnes d’information, procéder aux vérifications et donner instruction au fonds de verser les 1 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice moral temporaire », indiquent-elles.
« Ce préjudice moral (les angoisses et incertitudes et l’errance diagnostique provoquées par le fait que les patients ne savaient même pas que leur médicament avait changé) ne concerne pas les autres préjudices, notamment corporels, qui seront traités dans le cadre de la procédure pénale toujours devant les juges d'instruction de Marseille », rappellent-elles.
Les associations prévoient de mettre à disposition des patients concernés un site dédié pour le dépôt des dossiers et des pièces justificatives, et notamment « des ordonnances de 2017 et 2018 » prouvant le changement de traitement, précise Christophe Lèguevaques. Une plateforme d’information permet déjà de suivre la procédure.
Un modèle inédit d’indemnisation
À l’issue des cinq ans, le reliquat des indemnités non distribuées ne serait « pas reversé à Merck », mais utilisé « en faveur des malades », dans la « défense de leurs intérêts », propose l’avocat. Il imagine, sur le modèle du Téléthon, un dispositif pour le financement de la recherche fondamentale sur les maladies de la thyroïde ou endocrinologiques ou, « pourquoi pas », le financement d’autres actions collectives en santé.
Pour Me Lèguevaques, « l’enjeu est considérable », cette procédure inédite pouvant potentiellement s’appliquer à d’autres cas d’indemnisation massive, comme celui du chlordécone aux Antilles. Pour l’heure, une première audience est prévue en décembre pour établir le calendrier de la procédure.
« Cette requête n’est ni étayée ni pertinente. Les chiffres exposés ainsi que les demandes formulées sont infondés et Merck entend s’opposer fermement et démontrer au juge le caractère inapproprié de cette démarche », a réagi Florent Bensadoun, directeur juridique R&D de Merck. Le laboratoire rappelle ses efforts de communication, lors du passage à la nouvelle formule, auprès des professionnels de santé et des associations de patients concernées, mais aussi dans la notice, « allant au-delà des obligations réglementaires en vigueur », avec un plan de communication « validé par les autorités de santé françaises (ANSM) », insiste le laboratoire.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation