L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié la liste des 57 médicaments contenant de la codéine dont la délivrance nécessitera désormais la prescription par un médecin. Cette publication est la conséquence de l'arrêté à effet immédiat signé le 12 juillet dernier par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn.
Cette mesure est jugée « brutale » par plusieurs observateurs. La Fédération Addiction a réagi sur son compte Twitter, estimant que « la vraie déception serait d'en rester à cette seule mesure : ni RDR ni accompagnement ».
il va falloir se remonter les manches! La vraie déception serait d'en rester à cette seule mesure : ni RDR ni accompagnement https://t.co/n1GwOvdFR8
— Fédération Addiction (@FedeAddiction) 18 juillet 2017
Des patients automédicalisés
« Nous avons déjà quelques patients qui viennent nous voir sur le conseil de leur pharmacien », raconte le Dr Xavier Aknine, médecin généraliste et référent du pôle MG Addiction au sein de la Fédération Addiction. « Comme cette affaire a été médiatisée, les gens ont constitué des réserves, mais ils commencent à venir, paniqués, dans les cabinets ou les CSAPA alors que nous n'avions jamais vu plusieurs d'entre eux. » Plusieurs messages relayés sur le site communautaire psychoactif.org témoignent en effet d'un certain désarroi chez les utilisateurs.
La réponse préconisée par le Dr Aknine est un traitement substitutif par la buprénorphine. Une solution qui n'est pas toujours jugée idéale par les patients, car ni la buprénorphine, ni la méthadone ne produisent le cocktail d'effets euphorisants relaxants, anxiolytiques et stimulants procuré par la codéine. « Ils vont devoir en faire le deuil », estime le Dr Aknine qui incite à ne pas focaliser l'attention sur le « Purple Drank », pratique populaire chez les jeunes, souvent citée dans les médias. « On a observé dans notre centre une série de jeunes adultes soufrant de problèmes psy sous traitement qui sont devenus accros à la codéine qu'ils prenaient dans le cadre de leur traitement », donne-t-il en guise d'exemple.
Depuis les années 1980, la codéine est considérée était déjà une forme de produit de « substitution du pauvre », pris en automédication, à d'autres substances psychoactives comme l'héroïne. « Ce qui est impressionnant c’est que l’on a des gens qui ont pris de l’héroïne dans le passé, qui s’était équilibré seul avec du Néo-codion et qui n’était jamais passé par un addictologue », ajoute-t-il.
Les patients « sortent du bois »
S'il estime que la mesure prise par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a « obligé les patients à sortir du bois », le Dr Aknine déplore l'absence d'accompagnement. « Il aurait au moins fallu un dépliant d’information pour inciter les pharmaciens à envoyer vers les CSAPA, estime-t-il, peut-être que ces malades vont se reporter vers leurs médecins traitants, mais la peur d’être repéré comme addict est forte. » Le Dr Aknine insiste enfin sur la nécessaire distinction entre les addictions à la codéine pure et à l'association paracétamol-codéine pour laquelle « il faut démarrer au plus tôt un traitement de substitution pour mettre fin à la toxicité hépatique du paracétamol ».
Contacté par « Le Quotidien », le Dr Claude Leicher, président du syndicat MG France dit ne pas craindre d'afflux dans les cabinets généralistes de patients atteints de douleurs chroniques ou ayant développé une addiction à la codéine. « Les patients qui se droguent à la codéine ne sont pas si nombreux en France, juge-t-il, et les patients douloureux chroniques fréquentaient déjà nos consultations. Nous leur prescrivions déjà ces antalgiques de pallier 2 pour qu'ils soient remboursés ».
Le Dr Leicher ajoute que la ministre a mis fin « à une hypocrisie qui dure depuis 20 ans, qui consistaient à laisser des opiacés en vente libre ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes