Précurseur dans la médecine ambulatoire, qu'elle pratique ardemment depuis les années quatre-vingt-dix, le Dr Sophie Dalac ne cache pas son inquiétude. Pendant un mois, l'oncodermatologue en charge du pôle d'hospitalisation de jour du CHU de Dijon (Côte-d'Or) a entendu de mauvaises rumeurs sur le contenu de la réforme du financement hospitalier défendue par le ministère de la Santé.
La semaine dernière, la divulgation d'un projet d'arrêté propre à l'hospitalisation de jour, immédiatement dénoncé par la Fédération hospitalière de France (FHF), a confirmé ses craintes. Pour elle, cette refonte telle qu'elle a été pensée par Paris va « tuer » son activité et celle des 60 dermatologues, internistes, néphrologues et rhumatologues dijonnais qui ont amorcé le virage ambulatoire. La venue de Frédéric Valletoux et David Gruson ce jeudi dans son établissement n'a pas suffi à atténuer son agacement.
Le président et le délégué général de la FHF étaient pourtant porteurs de bonnes nouvelles. La veille, une réunion avec le cabinet de Marisol Touraine s'est soldée par une issue favorable aux hospitaliers. « Nous avons obtenu à l'oral le retrait de la réforme et l'ouverture de négociations sur la réécriture du texte », s'est satisfait Frédéric Valletoux. En attendant la confirmation écrite de Ségur, le maire de Fontainebleau affirme toutefois sa « vigilance ». Il y a de quoi garder un œil ouvert. Selon la FHF, un demi-milliard d'euros serait en jeu sur l'ensemble du parc hospitalier, soit un peu moins de la moitié de l'effort budgétaire réclamé au secteur en 2017 (1,1 milliard d'euros).
« Mesures scélérates »
Concrètement, la réforme entérine la création de tarifs dits « intermédiaires » entre l'hospitalisation conventionnelle et consultations externes sur quatre pathologies : diabète de type 1 ou 2, polyarthrite rhumatoïde évolutive, spondylarthrite grave et insuffisance cardiaque. L'enjeu est de valoriser des prises en charge longues et complexes, ce à quoi les hospitaliers sont évidemment favorables. Souci : pour quatre pathologies dont le financement est tiré vers le haut, d'autres se retrouvent « déclassées » par un durcissement des règles d'hospitalisation de jour, déplore Frédéric Valletoux, qui dénonce sans fard des « mesures scélérates en totale contradiction avec le virage ambulatoire ».
Pour le CHU de Dijon, où l'hospitalisation de jour a augmenté de 65 % en 10 ans, la pilule est difficile à avaler. Financièrement d'abord, toutes spécialités confondues, cette prise en charge alternative représente 31 millions d'euros de recettes par an (11 % du global). Si la réforme passait, le manque à gagner annuel serait de 5,5 millions d'euros. Le Dr Denis Caillot, responsable du service d'hématologie clinique, craint surtout l'impact sur les ressources humaines dans sa spécialité, où l'hospitalisation de jour a été multipliée par quatre en 20 ans. « Les séjours perdus représentent 12 à 15 postes d'infirmières par an », affirme-t-il.
Quel suivi dans un désert ?
Les médecins s'inquiètent aussi pour leurs patients. « Les praticiens du CHU ont développé l'hospitalisation de jour car cela améliore la qualité de la prise en charge, explique le Pr Yves Cottin, cardiologue et président de la commission médicale d'établissement. Le patient a accès à un plateau technique et, en une journée, on assure une consultation ou intervention, un bilan biologique, une évaluation, le tout dans une démarche coordonnée et préventive. Retomber dans les consultations multiples, c'est clairement une perte de temps et de chance pour le patient. »
Ultime crainte des praticiens dijonnais : voir des patients souffrant de pathologies lourdes privés d'un suivi régulier, faute de médecins libéraux pour prendre la relève. « Sans hospitalisation de jour, il nous sera difficile d'assurer la coordination et l'activité de synthèse médicale à l'hôpital, on sera obligé de demander aux patients de faire leurs bilans en ambulatoire, ce qui risque d'être compliqué », anticipe le Pr Jean-Michel Petit, diabétologue. Pourquoi ? « Parce que la Bourgogne est une région sous-médicalisée. »
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