De nombreux noms avaient circulé pour succéder à Olivier Véran – l'ex-directeur général de la Cnam Nicolas Revel, le Pr Philippe Juvin venu des rangs LR, les médecins experts de la majorité Stéphanie Rist ou Thomas Mesnier, mais aussi les présidents de Région Jean Rottner ou Renaud Muselier, voire des profils très hospitaliers comme Martin Hirsch ou Frédéric Valletoux, sans compter Olivier Véran lui-même ! – mais c'est finalement Brigitte Bourguignon qui a hérité, ce vendredi à 16 h 30, du ministère de la Santé et de la Prévention. Cette nomination intervient près d'un mois après la réélection d'Emmanuel Macron et trois semaines avant les législatives.
La passation de pouvoir entre Olivier Véran et Brigitte Bourguignon aura lieu ce samedi à 8h30.
Émue de cette responsabilité éminente, au cœur d’une priorité d’@EmmanuelMacron pour la santé des Français. Gratitude pour @olivierveran qui restera un grand ministre des Solidarités et de la Santé. Détermination auprès d’@Elisabeth_Borne, que je remercie de sa confiance.
— Brigitte Bourguignon (@BrigBourguignon) May 20, 2022
Pas médecin
Contrairement à ses deux prédécesseurs, Brigitte Bourguignon, 63 ans, n'est pas médecin mais elle n'est pas inconnue du secteur pour autant. Sa nomination était perçue plutôt positivement par le monde médical, ce vendredi après-midi.
Élue députée dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais sous les couleurs du Parti socialiste en 2012, succédant à Jack Lang, cette ancienne travailleuse sociale avait été réélue cinq ans plus tard sous celles de La République en marche.
Tonique présidente de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir de 2017, elle avait été nommée ministre déléguée chargée de l'Autonomie auprès du ministère des Solidarités et de la Santé, dans le gouvernement Jean Castex. Juste avant, elle s'était illustrée à la tête de la commission d'enquête sur le Covid-19, dont elle ne voulait faire « ni un tribunal ni un feuilleton télévisé ».
Abad à l'autonomie
Au bilan de Brigitte Bourguignon ne figure cependant pas la loi sur le Grand âge que le président Macron avait promise dès 2018. Censée réformer de fond en comble un secteur exsangue – qui peine à recruter, aussi bien dans les maisons de retraite que dans l'aide à domicile –, cette loi a été sans cesse repoussée, puis finalement abandonnée. Une tâche qui va donc échoir à Damien Abad, nommé ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, qui vient de quitter la présidence du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale. Agé de 42 ans, il avait été en 2012 le premier élu handicapé à siéger à l'Assemblée – il est atteint d'une maladie rare, l'arthrogrypose, qui bloque ses articulations et réduit sa mobilité.
À noter que l'ex porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, est récompensé puisqu'il hérite du ministère délégué chargé des Comptes publics. Il faudra attendre l'attribution des décrets de compétence pour vérifier si son périmètre s'étend à la Sécurité sociale.
Quant à Olivier Véran, qui avait fait savoir son souhait de poursuivre sa mission au ministère de la Santé, il quitte l'avenue du Ségur et passe ministre délégué chargé du Parlement et de la vie démocratique. Enfin l'universitaire Sylvie Retailleau est nommée ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Défis immédiats et changement de méthode !
Avenue de Ségur, Brigitte Bourguignon se trouve immédiatement confrontée à des défis urgents et considérables alors que le malaise hospitalier demeure extrêmement profond avec un été annoncé à hauts risques (crise aux urgences avec au moins 120 services en détresse, difficulté à boucler les lignes de garde, panne d'attractivité, pénurie d'effectifs médicaux et paramédicaux, absentéisme) et que, parallèlement, en médecine de ville, les revendications ont pris de l'ampleur avant de lancer à la rentrée les négociations en vue de la nouvelle convention médicale. Le fait d'accoler la prévention à la santé dans l'intitulé de son portefeuille semble accréditer la volonté d'Emmanuel Macron d'engager enfin un vrai chantier sur ce dossier.
Dans ce contexte, la future « convention des parties prenantes », annoncée par le candidat Emmanuel Macron pour trouver dès cet été des solutions aux graves difficultés d'accès aux soins, et surtout le « changement de méthode » promis pour réformer le système de santé, seront les premiers tests majeurs pour la nouvelle ministre.
Des étudiants aux Ehpad, malaise général
De fait, deux ans après le Ségur de la santé de juillet 2020, c'est le secteur dans son ensemble – des étudiants en santé aux blouses blanches en exercice, des prestataires de santé à domicile aux Ehpad – auquel la ministre devra apporter des réponses fortes.
À l'hôpital, un « électrochoc » sur les moyens et les effectifs est réclamé à cor et à cri mais c'est aussi la « perte de sens » qui constitue un signal d'alarme, comme l'a encore illustré cette semaine l'enquête Odoxa pour la MNH, montrant aussi qu'une majorité d'hospitaliers subissent un niveau de stress « inacceptable ». Le patron de la FHF, Frédéric Valletoux, a pointé de son côté une « situation critique » en matière d'effectifs.
En ville, la question des déserts médicaux s'est imposée lors de la campagne présidentielle avec des arbitrages délicats attendus sur la liberté d'installation, les délégations de tâches ou le rôle dévolu aux non-médecins.
Dans les Ehpad, dont le modèle a été mis à mal par le livre-enquête « Les Fossoyeurs », Emmanuel Macron a promis 50 000 nouveaux postes d'infirmières et d'aides-soignants sur cinq ans, une promesse qu'il faudra mettre en musique alors que les candidats font défaut. Alors ministre déléguée en charge de l'autonomie, Brigitte Bourguignon avait annoncé, en mars dernier, avec Olivier Véran, un train de mesures visant à renforcer les contrôles dans les Ehpad.
Sécu, l'équation impossible ?
Sur le front des comptes sociaux enfin, c'est déjà la préparation du projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS 2023) qui se profile avec une équation délicate, voire insoluble : engager le redressement de la Sécu, exsangue (24,6 milliards d'euros de déficit l'an passé) alors que les revendications du secteur n'ont jamais été aussi fortes dans un contexte où l'inflation approche les 5 %.
À noter qu'on compte également une nouvelle médecin au gouvernement : la Dr Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue obstétricienne, spécialiste de l'endométriose, secrétaire d'Etat chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Le premier gouvernement Borne devrait s'élargir, notamment avec des secrétaires d'État, au début de l'été, à la lumière des résultats du scrutin.
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