La légalisation du cannabis thérapeutique ferait augmenter la consommation illicite et l'usage problématique (addictif) du cannabis, selon une enquête publiée dans le « JAMA psychiatry ». Ces résultats viennent nuancer les études qui, jusqu'à présent, associent la dépénalisation du cannabis à une réduction des risques.
Au cours des 25 dernières années, 28 états américains ont autorisé le cannabis thérapeutique. Le Pr Deborah Hasin, du département de psychiatrie du centre médical de l'université de Columbia, et ses collègues ont exploité les données de 3 études : l'enquête nationale longitudinale d'épidémiologie de l'alcool (NLAES) menée entre 1991 et 1992, la 1re enquête nationale longitudinale sur l'épidémiologie de l'alcool et des états apparentés (NESARC) menée entre 2012 et 2013, et la NESARC III menée entre 2012 et 2013. Ces trois études totalisent 100 000 participants répartis sur deux décennies. Les premiers états à avoir légalisé le cannabis thérapeutique ont adopté des lois entre NLAES et NESARC, et les états plus tardifs ont voté leur législation entre NESARC et NESARC III.
Hausse généralisée dans les années 2000
Entre le début des années 90 et le début des années 2010, la consommation illégale (hors usage thérapeutique) de cannabis a augmenté dans l'ensemble des 39 états de l'étude, mais elle a augmenté de 1,4 % de plus (dépassant les 9 %) dans les 15 états ayant légalisé le cannabis thérapeutique par rapport aux 24 états où il est resté illégal (qui restent en dessous de 7 %). L'usage problématique du cannabis a augmenté de 0,7 % de plus (dépassant les 1 %).
Entre 1991 et 2002, l'usage de cannabis illégal a augmenté dans cinq États ayant légalisé le cannabis thérapeutique, alors qu'il a baissé dans les 33 États où il est resté illégal. La Californie a été analysée à part. Bien qu'ayant légalisé le cannabis thérapeutique dès 1996, la consommation illégale de cannabis y était très haute en 1991, avec une prévalence de 8 %. Elle a baissé pour passer sous la barre des 6 % en 2002. Elle reste l'État américain où la consommation illégale est la plus haute.
Entre 2001 et 2013, l'augmentation des prévalences de consommation illégale et de consommation problématique de marijuana est généralisée. Elle est plus marquée dans les États ayant autorisé le cannabis thérapeutique entre 2001 et 2013 (+5,1 %) et en Californie (+5,3 %) que dans les États n'ayant pas autorisé le cannabis thérapeutique (+3,5 %) ou l'ayant autorisé dans les années 90 (+2,6 %). En tenant compte de l'évolution démographique, les auteurs estiment que la légalisation du cannabis médical a causé l'apparition de 1,1 million d'adultes utilisateurs illégaux de cannabis et de 500 000 utilisateurs problématiques.
Une comparaison intéressante mais limitée
« La comparaison entre 2 groupes d’États est intéressante mais elle présente de sérieuses limites », analyse Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et chercheuse spécialisée dans l’analyse des politiques publiques. « Les législations encadrant la distribution thérapeutique sont fort variables d’un État à l’autre, poursuit-elle Dans le groupe d’États autorisant l’usage thérapeutique de cannabis, il faudrait distinguer au moins deux sous-groupes selon la souplesse de la législation. »
Dans une note sur l'actualité de la régulation du cannabis aux États-Unis de l'OFDT, Ivana Obradovic précise que l'offre de cannabis thérapeutique, interdite au niveau fédéral mais déployée au niveau des États, « a donné lieu à un marché commercial de cannabis distribué par le biais de "dispensaires" non régulés, allant de pair avec une hausse des niveaux d'usage ». Elle évoque un véritable « marché gris ».
Contactée par « Le Quotidien », elle nuance cette position : « d’une façon générale, les mécanismes d’augmentation de l’usage de cannabis dépendent assez marginalement de l’état de la législation : ils ont plutôt à voir avec l’accessibilité perçue des produits et la perception des dangers liés à l’usage. Quant aux usages problématiques, ils sont fortement corrélés à la situation sociale des consommateurs, qui prime sur tout autre facteur. »
Ces nouvelles données vont à l'encontre des résultats de l'alliance américaine sur les politiques publiques concernant les drogues. Selon son vice-président, Ethan Nadelmann, l'autorisation du cannabis médical n'est pas associée à une augmentation importante des addictions au cannabis.
« Il est intéressant de noter que les États où l'accès au cannabis thérapeutique est facilité sont les seuls où l'on observe un déclin des overdoses aux opiacés (cela a été publié dans le journal de l'association américaine de santé publique N.D.L.R). L'hypothèse la plus probable est que les gens remplacent les opioïdes par le cannabis pour traiter leurs douleurs », ajoute-t-il. Une autre étude récente fait état d'une réduction du nombre d'accidents mortels de la route dans les États ayant légalisé le cannabis médical.
Les résultats du « JAMA psychiatry » ne sont pas isolés. En mars dernier, une étude parue dans « Addictive Behaviors » montrait une plus forte prévalence des consommations de cannabis problématiques chez les jeunes utilisateurs de cannabis médical.
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