Un an après ses aveux sur l’existence d’un compte bancaire caché, le Dr Jérôme Cahuzac raconte pour la première fois dans l’édition de mai du magazine « Vanity Fair » l’histoire du mensonge qui l’a conduit au ban de la société.
Quelle est sa réaction lorsqu’il apprend qu’un journaliste de Médiapart a connaissance de l’existence de son compte caché ? « Je suis stupéfait, raconte le chirurgien. Je sais ce qu’il en est mais je ne vois pas ce qui permet à un journaliste de suspecter que j’ai un compte. J’ai toujours été extrêmement prudent. [… ] Ils ne peuvent avoir aucune preuve. Je me dis que c’est du bluff. »
Suit la publication en ligne de l’article accusateur de Mediapart. Jérôme Cahuzac nie tout en bloc. Ses amis le soutiennent. Il ne peut plus reculer. « Je n’ai pas eu d’autre choix que de mentir à mes amis, explique-t-il à Vanity Fair. Leur dire la vérité, c’était les placer face à une alternative insupportable : soit ils se taisaient et je faisais d’eux mes complices, soit ils me dénonçaient et notre amitié était détruite. Dans tous les cas je les perdais. »
« Trop de force dans mes dénégations »
Le médecin évoque un regret : « Si un seul d’entre eux m’avait demandé, les yeux dans les yeux : " Jérôme, qu’y a-t-il de vrai dans tout ça ? " Je crois que j’aurais pris mon courage à deux mains et que j’aurais tout dit. Mais ils ne m’ont rien, demandé. Pour eux, j’étais au dessus de ça et j’ai mis trop de force dans mes dénégations. »
Il évoque son mensonge devant les députés à l’Assemblée nationale. Un moment de désolation pour lui. « Je lis dans les yeux des autres que j’ai franchi l’obstacle mais en réalité, je suis dévasté. » Il se souvient du moment où il croise le regard du président de l’Assemblée, Claude Bartolone : « J’étais le seul à savoir que ce que j’avais fait était abominable. J’ai atteint un point de non-retour. Désormais, je suis vissé à mon mensonge. »
Le Dr Cahuzac raconte également ses années fastes, du temps où il était consultant auprès des laboratoires pharmaceutiques et à la tête d’une clinique spécialisée dans les implants capillaires. Dans les années 90, le médecin gagne beaucoup d’argent, notamment grâce aux clients de sa clinique qui le paient en espèce.
« Je ne savais pas quoi faire de cet argent », confie-t-il au magazine. Il ouvre un compte en Suisse pensant être « tranquille ». Il reconnaît alors avoir été « complètement inconscient ». Deux versements pour un montant de plus de 1,3 million de francs proviennent de l’industrie pharmaceutique.
La crainte des rumeurs
Pourquoi avoir dissimulé ces revenus s’ils n’avaient rien d’illicites ? Pour ne pas qu’ils passent pour une « contrepartie de services rendus », lorsque Jérôme Cahuzac travaillait au ministère de la Santé auprès de Claude Évin.
Et pourquoi, durant toutes ces années, n’a-t-il pas fermé ce compte secret ? « À chaque fois, je me suis heurté au même obstacle : la rupture de l’anonymat », explique le médecin qui a entre-temps entamé une nouvelle carrière politique en se faisant élire député en 1997 et en briguant la mairie de Villeneuve-sur-Lot. « L’existence du compte est devenue un boulet. » Le Dr Cahuzac n’en a pas fini avec lui puisqu’il doit encore expliquer aux deux juges d’instruction, qui l’ont mis en examen, l’origine des fonds qui y ont été versés.
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