Pressée par certains États membres inquiets pour leur saison touristique, la Commission européenne a mis sur la table, le 17 mars, sa proposition de « certificat vert », destiné à « faciliter la libre circulation dans l’UE » pendant la pandémie, dont elle souhaite une adoption rapide par le Parlement européen et le Conseil pour une mise en œuvre dès l’été.
Gratuit, en version numérique ou papier avec un QR code pour garantir sa sécurité, ce certificat pourra attester qu’une personne a été vaccinée, a reçu un résultat négatif à un test de dépistage ou a guéri du Covid-19. La Commission mettra en place un portail pour la vérification des certificats et apportera un soutien technique aux États membres pour en assurer le déploiement.
« Il incombera toujours aux États membres de décider quelles restrictions en matière de santé publique peuvent être levées pour ces voyageurs, mais ils devront appliquer ces assouplissements de la même manière à tous les titulaires d’un certificat vert numérique », souligne la Commission, insistant sur le principe de non-discrimination.
Un accueil défavorable en France
En France, l’idée d’un tel certificat semble plutôt mal reçue. Une consultation publique sur le « passeport vaccinal », menée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), fait état d’un accueil plutôt défavorable de la population. Sur les 110 000 contributions reçues, un quart seulement s’est révélé favorable à un tel dispositif (20,2 % d’avis très favorables et 5,1 % d’avis favorables).
Parmi les arguments avancés pour justifier ces positions, les « pour » mentionnent la réouverture des lieux fermés, la possibilité de voyager et le fait de retrouver sa liberté, tandis que les « contre » insistent sur l’atteinte aux libertés privées, les incertitudes sur l’efficacité et la sûreté des vaccins et la création d’une discrimination entre les citoyens.
Au-delà de cette tension entre les aspirations à un retour à la normale et les craintes sur la liberté de ne pas se faire vacciner, l’idée d’un « pass sanitaire » soulève des questions pratiques mais aussi éthiques et juridiques, abordées lors d’une table ronde organisée sur le sujet à l’Assemblée nationale, le 18 mars.
Le dispositif pourrait ainsi avoir « un effet d’entraînement vers la vaccination », mais il pose des « enjeux d’équité et de liberté », alors que moins de 10 % de la population européenne a pour l’instant eu accès à la vaccination, estimait la Pr Karine Lefeuvre (EHESP), membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui finalise un avis sur la question.
Un dispositif qui doit rester « transitoire »
Pour le professeur de droit public Serge Slama (université de Grenoble Alpes), l’idée d’un pass est acceptable « sous conditions ». « Certains services, comme les services publics ou les transports, doivent en être exclus », estime-t-il. Se pose aussi la question des vaccins concernés : une personne vaccinée par un produit qui n’est validé en Europe pourra-t-elle bénéficier du précieux sésame ?
Un autre enjeu porte sur la durée d’un tel passeport : il doit rester « expérimental » et « transitoire », tranche le juriste, qui craint l’inscription d’une « réglementation d’exception dans le droit commun ». Enfin, la protection des données et la garantie de leur non-transmission à des prestataires privés doivent être anticipées.
Plus largement, ce débat pose la question de « notre rapport au risque », juge la Pr Karine Lefeuvre. « Quel est notre niveau d’acceptation du risque ? La question se posera par exemple pour le port du masque : quand définit-on qu’on peut le retirer ? », s’interroge-t-elle.
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