C'est un constat sans appel : en Bourgogne Franche-Comté, les médecins libéraux ont très mal vécu la façon dont les pouvoirs publics ont géré la crise sanitaire… sans eux !
Selon une enquête* menée auprès de 650 médecins par l'union régionale des professionnels de santé (URPS-ML), 96 % des praticiens de ville jugent que la médecine libérale n'a pas été suffisamment prise en compte et devrait, à l'avenir, être davantage impliquée dans les plans de secours. 63 % des médecins libéraux disent même s’être sentis délaissés ou isolés dans la gestion de l'épidémie de Covid-19.
À cette prise en charge « centralisante » s'est ajoutée l'interdiction de se rendre en EHPAD, qui a pesé sur le moral. La surcharge d'informations émanant des tutelles sanitaires n'a pas aidé. Certains médecins ont réceptionné « 72 mails en 24 heures », dont certains « contradictoires ». Cette « avalanche » d’informations, rédigées dans un jargon administratif, a renforcé le « mal-être » des médecins qui, dépassés, « ne savaient pas », par exemple, « à qui ils devaient prescrire des masques », explique le Dr Éric Blondet, le président de l’URPS-médecins libéraux de la région.
Consignes contradictoires
Pour aider les médecins à reprendre le dessus, l'URPS s'est attelée à constituer rapidement une cellule chargée de décrypter les formulations alambiquées du ministère. « Lorsque des consignes étaient contradictoires, nous les soumettions à l’agence régionale de santé, avec qui nous avons fait le point une fois par semaine, décrit le Dr Blondet. Quand l’ARS n’avait pas la réponse, nous débattions entre nous, pour savoir ce que le bon sens nous imposait. »
Les médecins de la région ont également pu poser leurs questions par mail ou par téléphone à un médecin référent désigné, dans chaque département, par l’URPS. « Les confrères ont été ébranlés », confirme le Dr Anne-Laure Bonis, généraliste à Dijon et référente en Côte-d’Or qui avait au téléphone jusqu’à dix confrères par jour. « Ils n’avaient pas de masques » et, parce que l’ensemble des patients devaient aller aux urgences, ils ont vu « leur utilité professionnelle remise en question ».
Liborsan, une appli pour organiser la réponse libérale
L'URPS mise sur le numérique pour épauler les professionnels du cru. Lancée en février (moyennant un investissement de 15 000 euros financés sur fonds propres par l’URPS), l’appli Liborsan a pour objectif de mieux associer les médecins libéraux à la gestion des crises sanitaires par la transmission d’alertes ciblées (selon la profession, la spécialité, le secteur géographique, etc.).
Signe de son succès, plus de 1 300 professionnels de santé l’ont déjà téléchargée pendant le confinement. Selon le Dr Blondet, Liborsan pourrait être particulièrement efficace pour « mobiliser et organiser correctement l'intervention des chirurgiens libéraux, sans que cela n’ajoute du désordre au désordre, comme ça a été le cas lors de l’attentat du Bataclan, où les urgences ont été dépassées par le nombre de volontaires qui se sont présentés spontanément pour donner un coup de main ».
Au moment où l’épidémie connaît un rebond, l'URPS estime que Liborsan pourrait être utilisée plus largement pour recruter des internes, des remplaçants et des médecins jeunes retraités en renfort, mais toujours au niveau des territoires. « Il faut réfléchir à l’échelle locale pour éviter que, comme nous l’avons vécu ici avec la réserve sanitaire nationale, des médecins d’Autun ne soient envoyés dans l’Oise alors même qu’à Mâcon, il y avait les premiers cas à gérer », conclut Éric Blondet.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes