Le projet de recommandation de la Haute autorité de santé du 13 décembre 2017 vise le déremboursement des allergènes préparés spécialement pour un individu.
« Si le déremboursement de la désensibilisation injectable et la diminution à 15 % du taux de remboursement de la désensibilisation sublinguale en solution étaient retenus, la moitié des patients ne pourrait plus être traitée. Ne pas traiter les enfants soumis à des allergies de plus en plus fréquentes serait une double peine », estime le Pr Jocelyne Just, pneumo-allergolo pédiatrie à l’Hôpital Trousseau et Présidente de la Société française d’allergologie.
Si 25 % de la population française est allergique, seuls 300 000 patients souffrant d’allergies les plus sévères relèvent de désensibilisation. L'immunothérapie allergénique, unique traitement spécifique curatif de l'allergie respiratoire, peut éviter l'évolution vers des formes très sévères pouvant nécessiter des traitement coûteux (biothérapies…). « Ce traitement symptomatique et curatif modifie l’histoire naturelle de la maladie (rhinite à 4 ans, asthme à 6-7 ans, puis poly-allergie et parfois asthme sévère à l’adolescence). Désensibiliser vers 6-7 ans évite la marche allergique, améliore la qualité de vie et a un effet rémanent 2 à 10 ans », précise le Pr Just. L’intérêt médicoéconomique de la désensibilisation est démontré.
Pourquoi dérembourser ?
Le collège de la HAS semble vouloir juger l’efficacité de la désensibilisation au vu d’études en double aveugle contre placebo. « Dérembourser au prétexte que toutes les études en double aveugle contre placebo sous toutes les formes ne sont pas disponibles se conçoit. Mais il faudrait des milliers d’études et un budget colossal pour tester tous les allergènes (pollens de graminées, bouleaux et cyprès, acariens, chats, moisissures, etc.), les voies d’administration (sous cutanée, sublingual), les pathologies (rhinite, asthme) et les posologies (variables selon l’individu, la pathologie, l’allergène, la sensibilité à l’allergène) ! Et serait-il éthique d’exposer 3 ans des enfants à un placebo en sous-cutané quand des méta-analyses (1) supportent l’efficacité de la désensibilisation ? », interroge le Pr Just.
Dans la rhinoconjonctivite, l’étude internationale GAP (Grazax asthma prevention) (2), en double aveugle vs placebo chez 812 enfants allergiques au pollen de graminée a montré sur 3 ans et 2 ans de suivi qu’une désensibilisation par comprimés diminue significativement les symptômes et traitements de rhinoconjonctivite, mais aussi les symptômes d’asthme et le recours aux traitements de l’asthme. « Le retard à la survenue de l’asthme n’est pas démontré car le critère retenu pour définir l’asthme (symptômes d’asthme + médicament de l’asthme + réversibilité sous bronchodilatateurs d’un syndrome obstructif) est stupide : les asthmatiques ont souvent des EFR normales ! », note le Pr Just.
Dans l’asthme modéré à sévère de l’enfant, la spécialiste précise qu’« une étude de (son) service (en attente de publication) montre que la désensibilisation par voie sous cutanée diminue les exacerbations de 3 à 0,4/an, ce qui est loin d’être anodin ».
L’industrie évalue en double aveugle la voie sublinguale en comprimés (allergènes les plus fréquents, tous ne sont pas disponibles en comprimés), mais ni la voie sous cutanée ni la voie en solution sublinguale qui seule permet les montées de doses chez les patients les plus sensibles. « On ne désensibilise pas avec les mêmes doses et la même voie pour le pollen, l’acarien, dans la rhinite allergique ou dans l’asthme. La désensibilisation doit être adaptée au type de symptôme et à l’allergène », rappelle le Pr Just.
[1] Kim JM. et al, Pediatrics 2013 ; Feng B. et al, Am J Rhinol Allergy 2017
[2] Valovirta E. et al., J Allergy Clin Immunol, 2017
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