Dix ans, l'âge du bilan pour les ARS ? Après six mois de travaux et plus de 50 heures d'auditions, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale dresse un audit en demi-teinte, « non complaisant », de ces tutelles et propose surtout des axes d'amélioration.
Créées en 2010 par la « loi Bachelot », ces préfectures sanitaires devaient permettre une vraie déconcentration du système de santé – certains espérant même une décentralisation. Alors que ces agences ont été parfois décriées pendant la crise, les rapporteurs de l'étude, Jean-Carles Grelier (Soyons libres, ex-LR) et Agnès Firmin-Le Bodo (Agir) penchent pour un aggiornamento mais veulent « dire stop à l'ARS bashing ».
Kafka, es-tu là ?
Un constat : en une décennie, les ARS ne sont jamais parvenues à gagner totalement la confiance du terrain, jugées pesantes, technocratiques et déconnectées. « Sur 220 jours ouvrés annuels, les établissements de santé publics reçoivent plus de 200 demandes de reporting ou de consignes de la part de leur tutelle », a illustré le président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), lors de son audition. Du côté des libéraux, les syndicats ont souvent regretté que ces agences ne jouent pas assez le rôle de « facilitateur » de projets et se concentrent sur des missions de régulation et de structuration de l'offre.
Certaines situations frisent l'absurde. Dans la Sarthe, Jean-Carles Grelier tance une « organisation kafkaïenne » ayant conduit à la fermeture d'un service d'urgences en raison du départ de deux praticiens hospitaliers dont la mutation a été autorisée par le Centre national de gestion (CNG), rattaché au ministère de la Santé. « S'il y avait eu un dialogue préalable entre le ministère, l'ARS et le directeur de l'établissement, on n'en serait pas arrivé à cette situation incompréhensible », peste-t-il.
La crise sanitaire a toutefois prouvé qu'une simplification des relations était possible. Certaines ARS ont fait preuve d'agilité dans l'urgence pour autoriser des activités. C'est pourquoi, plutôt que de multiplier les procédures « tatillonnes », le rapport suggère de « substituer à des mécanismes de vérification continue et d'autorisations a priori des mécanismes de contrôle et d'inspection a posteriori ». « Il n'y a pas lieu d'avoir quatre ou cinq mois d'instruction d'un dossier pour ouvrir des lits », illustre Jean-Carles Grelier.
Boîtes aux lettres
Depuis la réforme territoriale (création des grandes régions), qu'elles « ont pris de plein fouet » en 2015, les ARS peinent à trouver le juste périmètre de fonctionnement. Face au sentiment d'éloignement, les rapporteurs appellent au renforcement des divisions départementales qui doivent « retrouver leur rôle d'animateur ». Pourtant existant, cet échelon est beaucoup trop peu investi.
Lors de leurs visites des ARS, les rapporteurs ont constaté une hétérogénéité des responsabilités confiées à ces émissaires départementaux. « À certains endroits, ils sont appelés "directeurs" départementaux et à d'autres "délégués" départementaux, c'est symptomatique », pointe la députée de Seine-Maritime. Autre exemple : alors le Grand Est délègue à ses dix divisions départementales une enveloppe issue du fonds d'intervention régional (FIR), ailleurs celles-ci servent comme simples « boîte aux lettres ».
Pilotage partagé
Le renforcement du niveau départemental, promis par Olivier Véran à l'issue du Ségur de la santé, n'a conduit qu'à une modification superficielle de ces délégations. Pour clarifier les choses, il est proposé d'élaborer « un modèle cible de répartition des missions et des compétences entre les délégations départementales et le siège des ARS ». Celui-ci devra être souple pour préserver les spécificités des régions. Ce qui suppose aussi une politique attractive de recrutement.
Un toilettage de la gouvernance est indispensable dans cet acte II des ARS réclamé par la MECSS. Les élus locaux devront y retrouver une place décisionnelle. Les rapporteurs préconisent ainsi de « transformer le conseil de surveillance des ARS en conseil d'administration coprésidé par le président du conseil régional et le préfet de région ». Le pilotage central ministériel doit être assoupli. Ségur devra désormais donner à ses bras armés « de grands objectifs prioritaires plutôt que de multiples instructions » et réinvestir le conseil national de pilotage (CNP) des ARS, depuis longtemps déserté.
Enfin, parce que l'évaluation des politiques publiques est insuffisante, regrette Agnès Firmin-Le Bodo, la mission propose de doter les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) d'un budget dédié. « L'idée, résume Jean-Carles Grelier, c'est que le directeur général de l'ARS reste le patron à bord mais qu'il ait des comptes à rendre et qu'il partage une partie de son pouvoir avec les élus des territoires ».
Côté ressources, le rapport écarte la mise en place d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance-maladie (ORDAM), qui aurait abouti à un vrai financement régionalisé aux mains des ARS.
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