LE QUOTIDIEN : La mobilisation contre la réforme Touraine prend-elle de l’ampleur dans votre département ?
DR CHRISTINE FAHRLAENDER : Très clairement. Nous avons décidé de fermer nos cabinets et d’entrer en grève de permanence des soins du 3 au 6 octobre au matin. Nous avons organisé à Strasbourg des distributions de tracts aux patients et, lundi, nous avons enterré le secret médical devant l’ENA. Cette manifestation symbolique a rassemblé 120 personnes, quasiment tous médecins. Nous entamons un mouvement de grève tournante des gardes entre les différents secteurs. Un tiers des généralistes du Bas-Rhin (1 150 libéraux au total selon l’Ordre) sont prêts à jouer le jeu. Leur nombre augmente chaque jour.
Quelles mesures vous poussent à entrer en résistance contre le projet de loi de santé ?
Nous nous opposons à plusieurs dispositions de cette réforme. Le tiers payant généralisé obligatoire n’est que l’arbre qui cache la forêt ! Une fois en place, la privatisation du système de santé deviendra possible. Pour le patient, la médecine sera gratuite. Il ne se préoccupera plus de savoir qui le remboursera. La Sécurité sociale se désengagera et nous pensons que les complémentaires, dès lors que leur part de prise en charge atteindra 50 %, prendront la main sur tout le système. Les mutuelles mettront en place des réseaux de soins et y orienteront les patients.
Une autre menace plane sur le secret médical. La loi de santé prévoit la création d’une base de données patients tenue par l’assurance-maladie et alimentée par les professionnels de santé par le biais du dossier médical personnel (DMP). Nous craignons que les assureurs aient accès au DMP et ajustent leurs cotisations en fonction des facteurs de risque des patient. Selon nous, il ne s’agit pas d’une fiction mais d’un scénario écrit à l’avance.
Après l’adoption du projet de loi au Sénat, quelles sont les marges de manœuvre des médecins ?
L’examen au Sénat a été un simulacre. La loi de santé devrait être adoptée par l’Assemblée nationale dans sa version originelle. Nous disposons de deux leviers d’action. D’abord, la montée en puissance des coordinations et du nombre de médecins déterminés peut mener à un blocage sanitaire. Notre mouvement de grève de la permanence des soins va prendre de l’ampleur après les élections professionnelles lorsque les chirurgiens nous rejoindront. Puisque les pouvoirs publics veulent faire sans les médecins libéraux, nous allons montrer ce que cela peut donner.
Notre seconde arme, c’est la désobéissance. Nous n’appliquerons pas cette loi, le tiers payant généralisé obligatoire ou le dossier médical...
Un nouveau mouvement unitaire de la profession se dessine à la mi-novembre. Y participerez-vous ?
Nous allons nous réunir pour le décider. Une chose est sûre, nous ne baisserons pas les bras. Rien ne pourra nous arrêter. Si un mot d’ordre national est lancé et que les coordinations se mettent d’accord, ce sera une occasion de regrouper nos forces. Les coordinations sont issues d’un engagement des médecins de la base qui va au-delà du langage syndical. C’est notre force.
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