Les rares médecins qui ignorent encore le sigle PRADO vont le connaître rapidement.
Dans ses recommandations d’économies au gouvernement, la CNAM juge possible d’épargner 171 millions d’euros dès l’an prochain grâce à la montée en puissance de ses différents programmes d’accompagnement du retour à domicile et carrément cinq fois plus en trois ans (842 millions). À moyen terme, les PRADO permettront d’engranger 27 % des 3,1 milliards économies totales espérées sur l’assurance-maladie.
Sur le papier, la promesse est alléchante. Les PRADO à la sauce « CNAM » promettent de faciliter la coordination en sortie d’hospitalisation et d’organiser cette transition difficile avec la médecine de ville dans un système aujourd’hui cloisonné, source de rupture et de risque.
La CNAM change de braquet
La France peine à fluidifier le parcours de soins hôpital/ville. Des pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suède ou les États-Unis ont déployé des initiatives en ce sens, comme les coordonnateurs chargés de gérer la sortie du patient et d’organiser son suivi médical et social après hospitalisation.
En 2010, l’assurance-maladie a ouvert la voie des PRADO en proposant, en sortie de maternité, un suivi par des visites de sages-femmes à domicile. Le programme est désormais offert dans 400 maternités, et il a été étendu aux césariennes sans complications. La CNAM espère inclure 350 000 patientes en 2016, 400 000 en 2017, 450 000 en 2018... Objectif principal : favoriser la réduction des durées moyennes de séjour (DMS).
Le modèle PRADO a été ensuite développé puis généralisé en chirurgie orthopédique (2012) pour éviter le recours à des solutions d’aval parfois inutilement coûteuses (le taux de recours en SSR varie de 16 à 81 % pour la prothèse de la hanche). Là encore, la CNAM voit de plus en plus grand : 30 000 patients inclus en 2016, 60 000 en 2017, 85 000 en 2018... Plus de 310 établissements sont déjà concernés.
Autre enjeu : diminuer les réhospitalisations évitables, faute de suivi coordonné et d’éducation thérapeutique après le passage en établissement. Ce même objectif a guidé le lancement du PRADO pour les insuffisants cardiaques (25 % de réhospitalisations dans l’année après une décompensation cardiaque) et, à une moindre échelle, pour les patients atteints de BPCO.
Patients âgés et pathologies chroniques
À ce jour, seuls deux volets du PRADO sont généralisés dans des épisodes ponctuels – maternité et orthopédie. Mais à l’horizon de trois ans la CNAM affiche ses ambitions sur les autres champs du retour à domicile, en ciblant des patients âgés atteints de pathologies chroniques. Elle espère « embarquer » 65 000 insuffisants cardiaques en 2018, 18 000 patients atteints de BPCO, 40 000 autres pour la prise en charge des plaies chroniques et 20 000 pour des AVC.
Face à cette avalanche de plans de suivi post-hospitalisation, les médecins libéraux affichent leurs réticences. Leurs griefs portent sur le manque d’information au médecin traitant, l’ingérence de la Sécu dans la relation médecin/malade, le mauvais ciblage de patients accompagnés, les doublons avec d’autres réseaux... La question est posée aussi de la pertinence d’une approche par pathologie pour des patients fragiles souvent polypathologiques.
Sans nier quelques erreurs, la CNAM met en avant le niveau élevé de satisfaction des bénéficiaires et les premiers résultats encourageants des PRADO : durée de séjour un peu plus courte après maternité, moindre recours aux soins SSR après chirurgie orthopédique... Dans son rapport au gouvernement, le directeur de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, ne laisse planer aucun doute au regard des économies massives escomptées : le train des PRADO est lancé, pas question de l’arrêter.
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