“En réalité, le virus du SARS-CoV2 n’existe plus cliniquement en Italie comme le montrent les prélèvements effectués durant les dix derniers jours qui révèlent une charge virale absolument infinitésimale en termes quantitatifs par rapport à ceux effectués il y a un mois ou deux mois, il faut arrêter de terroriser le pays ! ». Avec ces mots prononcés en juin dernier sur la troisième chaîne publique italienne à l’heure du déjeuner, le Pr. Alberto Zangrillo s’est bâti une réputation sacrément sulfureuse. Car ces déclarations ont choqué les parents des victimes et ranimé le débat sur l’évolution du virus qui divise la communauté scientifique.
Craignant un relâchement de la population pouvant relancer la courbe épidémiologique, certains spécialistes ont mis en garde leur confrère. « Il ne faut pas renoncer à la prudence car nous sommes face à une maladie que nous ne connaissons pas suffisamment bien » a déclaré par exemple le Pr. Andrea Crisanti, virologue et conseiller scientifique du gouverneur de la Vénétie pendant toute l’épidémie. D’autres en revanche, partagent la thèse du directeur du département de soins intensifs et de réanimation de l’hôpital milanais San Raffaele. En juin dernier d’ailleurs, neuf scientifiques ont rejoint le Pr. Zangrillo en publiant avec lui, une lettre ouverte affirmant que la charge virale est moins contagieuse et que la crise sanitaire est terminée.
Il conteste les bulletins épidémiologiques et la distanciation
Depuis, deux mois ont passé et le Pr. Zangrillo, refuse de manger son chapeau. Au contraire, l’auteur de plus de 500 publications scientifiques, multiplie les déclarations cinglantes. Un exemple ? En août dernier, ce sexagénaire au sourire de séducteur impertinent, qui coure 10 km par jour pour garder la forme, a remis en cause les bulletins sur la situation épidémiologique publiés au quotidien par la Protection civile. Selon « il Professore » comme l’appellent affectueusement ses patients, « ces bulletins ne rédigent pas un véritable constat de la situation clinique et génèrent la terreur, ce que le Conseil scientifique ne devrait pas permettre ».
Le médecin personnel de l’ancien chef de gouvernement Silvio Berlusconi qu’il suit depuis vingt ans, a également contesté la distanciation à bord des trains, « l’interdiction n’étant jamais une solution, mieux vaut éduquer la population et compter sur son bon sens ».
Déjà tout petit, la future vedette du panorama médiatique médical italien, rêvait de porter un jour une blouse blanche. Après avoir décroché son baccalauréat avec les félicitations du jury, Alberto Zangrillo s’inscrit à l’université de médecine à Milan. Puis, il se spécialise en anesthésie et réanimation, la branche médicale dit-il « la plus complète car elle représente la synthèse de tout le savoir scientifique, de la chirurgie à la médecine interne ».
Au début des années quatre-vingt dix, l’opération « Mains propres » marque un tournant important pour l’Italie lorsque le voile est levé sur un vaste réseau de corruption qui décime la classe politique et industrielle au timon du pays. À Milan, le siège de l’enquête qui va modifier le paysage italien en profondeur et permettre l’arrivée sur la scène économique puis politique de Silvio Berlusconi, le futur professeur se sent vite à l’étroit. Des années plus tard, il confiera à un journaliste que, pour lui, à l’époque, les Italiens étaient trop provinciaux.
L’aventure commence à Londres au Queen Charlotte Hospital puis, à Barcelone à l’hôpital Santa Creu Pau et aussi, à Berlin à l'Hetzer Deutsche Herzzentrum et Monte-Carlo au centre Cardio-Thoracique de Monaco. Au bout de quelques années, le Pr. Zangrillo décide de refaire le chemin à l’envers et de rentrer à Milan où il est recruté par le prestigieux hôpital San Raffaele, l’œillet à la boutonnière de la santé lombarde mais aussi l’objet de nombreux scandales financiers.
À la fin des années quatre-vingt-dix, cet établissement est cloué au pilori de l’opinion publique pour une sombre affaire de remboursements illicites. Un nouveau scandale frappe l’hôpital de plein fouet en 2011 lorsque le parquet de Milan accuse son fondateur, Don Luigi Verzé de religion presbytérien et entrepreneur, d’avoir allègrement puisé dans les caisses de son hôpital pour s’offrir entre autres, un jet privé. L’intervention du groupe Rotelli spécialisé dans le secteur hospitalier qui dépose un chèque de 450 millions d’euros sur la table sauve l’institut San Raffaele de la faillite. Mais sans le mettre à l’abri de nouveaux scandales. Car l’hôpital est à nouveau sous les feux de la rampe, le parquet de Milan voulant renvoyer neuf personnes devant les tribunaux dont le Pr. Zangrillo pour une affaire de fraude présumée à la sécurité sociale.
Il Cavaliere, un tournant important dans sa carrière
En 2001, la carrière du professeur prend une dimension médiatique, grâce à la rencontre avec Silvio Berlusconi qui lui demande de soigner son père. Les liens entre les deux hommes se renforcent ultérieurement lorsque le chef du gouvernement italien est agressé en 2009 par un déséquilibré qui lui lance au visage une statuette représentant le célèbre Dôme de Milan. Les images du visage tuméfié du millionnaire et celles du Pr. Zangrillo qui l’a pris en charge, tournent en boucle sur toutes les chaines de télévision. Cet épisode marque un tournant important dans la carrière du spécialiste, l’amitié avec le millionnaire qui le tutoie, lui ouvrant toutes les portes.
Mais contrairement à d’autres personnalités proches de l’ancien chef de gouvernement, ce spécialiste a toujours refusé de jeter partiellement sa blouse blanche aux orties pour entrer en politique. En revanche, le Pr. Zangrillo n’a pas dédaigné les promotions qui lui ont été accordées avant la chute du millionnaire en 2011. Nommé consultant du ministère de la Santé et membre du Comité scientifique pour le contrôle des maladies, ce poids lourd de la communauté scientifique italienne a également décroché les titres de Président de la communauté ministérielle pour la grippe pandémique et de vice-président de la Commission nationale pour la recherche sanitaire. Il est aussi membre de la Commission de bioéthique. Et c’est toujours grâce à Silvio Berlusconi, que le Pr. Zangrillo a accroché deux autres trophées importants à son tableau de chasse, avec d’abord une médaille de Chevalier de l’Ordre national du Mérite puis, de commandeur.
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