Pour la droite, c’est l’année de la primaire

Juppé se lance

Publié le 07/01/2016
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Alain Juppé : pour le moment, le candidat le plus populaire

Alain Juppé : pour le moment, le candidat le plus populaire
Crédit photo : AFP

Contrairement à l’un de ses concurrents, François Fillon, Alain Juppé distille ses idées lentement, un peu comme s’il entendait ne pas faire trop de bruit autour de sa candidature. Les enquêtes d’opinion lui donnent raison qui récompensent son étrange discrétion par une cote de popularité presque irrésistible. Non seulement les Français, selon ces enquêtes, ne souhaitent ni la candidature de François Hollande ni celle de Nicolas Sarkozy, mais ils ouvrent les bras à M. Juppé, le seul homme politique qui recueille plus de 50 % d’avis favorables. L’opinion a la mémoire courte, qui a oublié combien elle a détesté le Premier ministre de Jacques Chirac en 1995 et qui, alors, a riposté à ses projets de réforme pourtant nécessaires, par une grève générale qui mit le pouvoir à genoux.

On peut regretter que M. Juppé n’ait pas tenu bon il y a vingt ans, car il aurait peut-être empêché le pays de sombrer dans le déclin économique. On peut aussi estimer que, s’il a échoué alors, il ne réussira pas demain. À quoi il a répondu mardi : « De 95, j’ai retenu la théorie de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le vase sera bien plein ; ça fait beaucoup de réformes à proposer. Je ne rajouterai pas la goutte d’eau qui le fera déborder. » Ceux qui souhaitent qu’un traitement de cheval soit administré à la France s’inquièteront de cette prudence : d’autres y verront la clé du succès. Nul, cependant, n’ignore que, pour le moment, si un homme politique réunit le plus de chances d’accéder à la présidence, c’est bel et bien Alain Juppé.

Le risque d’une candidature imprévue.

Mais nous sommes à onze mois de la primaire, à quinze mois de l’élection présidentielle, et Alain Juppé va forcément rencontrer sur son chemin une multitude de haies et d’ornières. Le plus difficile pour lui sera de franchir les obstacles posés par Nicolas Sarkozy et François Fillon et, surtout, de résister en tant qu’aîné, à la candidature d’un homme jeune, par exemple Bruno Le Maire, qui n’a pas déployé ses ailes et a pour lui à la fois ses compétences d’ancien ministre et la particularité d’avoir moins de 50 ans. La primaire peut aussi produire un sorte de candidature imprévue et miraculeuse, celle d’un homme ou d’une femme qui se mettrait soudain à briller comme une étoile au firmament, un peu comme Barack Obama en 2008. À un Juppé-bis plus jeune et doté d’une rhétorique enflammée, l’ancien Premier ministre, qui donne toujours l’impression de pas y tenir tellement, saura-t-il résister ? Son principal problème, c’est d’affirmer son leadership. Jusqu’à présent, il domine les sondages parce que, justement, il évite de trop s’exposer. Quand il devra se lancer dans la mêlée, il risque de devenir un candidat parmi tous les autres, certes compétent et parfaitement maîtrisé, mais susceptible de mordre la poussière, comme tous ceux qui se lancent dans cette aventure exceptionnelle qu’est la candidature à la magistrature suprême.

Aussi bien s’interdira-t-on de tirer des plans sur la comète et de croire que ce qui est vrai aujourd’hui le sera encore à la fin de l’année. Pour autant, on ne peut pas tirer d’une si belle popularité la conclusion qu’elle ne mènera nulle part le candidat Alain Juppé. Lequel a tout le temps, dans les mois qui viennent, d’exposer son programme. Dans ses diverses interventions télévisées ou radiodifusées, il a clairement montré son positionnement à droite. Il n’est pas un centriste chez les Républicains ; il n’est pas tendre avec le pouvoir ; il ne marche pas non plus dans les pas de Marine Le Pen, contre laquelle il sera un ennemi irréductible ; il est gaulliste et chiraquien peut-être, mais Juppé avant tout. Il a seulement besoin de se secouer et de chasser le scepticisme que l’âge lui a donné.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Médecin: 9460