La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté veut une campagne de vaccination spécifique en prison et dans les services psychiatriques

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Publié le 27/01/2021

Crédit photo : S. Toubon

Multiplication des foyers de contamination dans les prisons, personnels surchargés et locaux inadaptés dans les établissements de santé mentale, « désordre déontologique » autour des tests RT-PCR dans les centres de rétention administrative (CRA)… Dans deux lettres quasi similaires adressées aux ministres de la Santé et de la Justice, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, interpelle le gouvernement et exprime sa crainte de « l’apparition de poches de contaminations » liées au SARS-CoV-2 dans ces lieux.

Une situation « plus grave que celle du printemps dernier »

Dans les établissements pénitentiaires, « la situation actuelle est plus grave que celle du printemps dernier, alerte-t-elle. Au 21 janvier, 235 personnels pénitentiaires étaient contaminés ; quant aux détenus, ils étaient 134 à la même date contre 25 au début du mois, soit une hausse de 165 %. Un chiffre affolant ». Et alors que les prisons intègrent encore 1 000 nouveaux détenus chaque mois, « l’état sanitaire de la France semble sans effet sur le cours de la justice », tacle la CGLPL.

La « surpopulation carcérale endémique » et la difficile application des gestes barrières dans des locaux inadaptés aux flux d’entrants et de sortants créent les conditions d’une propagation de l’épidémie dans une population de détenus dont « nombre souffrent des conséquences d’addictions, d’un éloignement durable des services sanitaires et de conditions de vie précaires. Autant de facteurs de comorbidités qui font d’elles des personnes à risque »,est-il relevé dans le courrier adressé au garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti.

Dans les établissements de santé mentale, les patients admis dans les services ne bénéficient pas de conditions aussi favorables qu’au printemps, période de mise à l’arrêt d’une partie de l’activité en ambulatoire et de développement de stratégies locales de lutte contre la pandémie « qui se sont montrées efficaces », explique Dominique Simonnot. Désormais, et alors que les visites ont repris et que les personnels sont surchargés, « l’établissement de santé mentale n’est donc plus le havre de protection qu’il a pu être », poursuit-elle à l’adresse d’Olivier Véran.

Quant aux personnes placées en rétention administrative ou aux détenus en instance d’éloignement, la CGLPL a déjà alerté le ministre de la Santé, le 23 décembre, par un courrier, « hélas resté sans réponse ». Elle dénonce le « désordre déontologique qui encadre la réalisation de tests RT-PCR », évoquant « des pressions illégitimes sur des médecins pour effectuer des tests dépourvus de justification clinique, la réalisation d’actes médicaux indépendamment du consentement du patient concerné, le report sur un professionnel de santé de la responsabilité d’informer une personne de sa prochaine reconduite à la frontière ».

Pour les personnes en CRA, la CGLPL souhaite ainsi la « rédaction d'une procédure interministérielle définissant les droits et le rôle de chacun dans la réalisation des tests préalablement à la reconduite à la frontière d’un étranger en situation irrégulière ».

Dominique Simonnot invite également le garde des Sceaux à désengorger les prisons par des libérations de détenus en fin de peine et des incarcérations différées, comme au printemps où l’expérience a montré que « la baisse de la population pénale n’a suscité d’accroissement ni de la délinquance ni de la récidive ». « L'entrée du virus dans les établissements pénitentiaires présente des risques sanitaires plus élevés encore que sa circulation dans le reste de la population », estime-t-elle.

Au ministre de la Santé, elle demande une campagne de vaccination spécifique dans les prisons, tenant compte « à la fois de la promiscuité inévitable en détention, de la vulnérabilité particulière de la population pénale et de la facilité logistique résultant de la concentration des patients en un même lieu ».

Les patients psychiatriques sont à risque, indépendamment de leur âge

Dans les établissements de santé mentale, les patients souffrent de comorbidités similaires à celles des détenus, ce qui en fait aussi des personnes à risque, indépendamment de leur âge. Dans ces lieux également, un plan de vaccination massif est réclamé pour éviter « l’existence de poches de contamination massive dans les lieux confinés mais perméables que sont les hôpitaux ».

Contacté par l’AFP, le ministère de la Justice indique que « comme chaque Français âgé de 75 ans et plus, les détenus concernés sont prioritaires » et qu’« une liste des personnes détenues de plus de 75 ans, réparties par établissement et par direction interrégionale, a été transmise aux autorités de santé pour organiser la campagne de vaccination en détention qui a débuté depuis quelques jours ».


Source : lequotidiendumedecin.fr