L’ARRÊTÉ sur les pratiques de dispensation des médicaments non soumis à prescription sur Internet par les pharmaciens d’officine (et uniquement par eux), est entré en vigueur le 12 juillet. Or, depuis la parution de ce texte, qui met en application une directive européenne, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) ne cesse d’alerter l’opinion sur l’existence de sites proposant des produits illicites ou contrefaits. Selon sa présidente, Isabelle Adenot, ce sont plus de 100 portails illégaux qui ont été découverts depuis juillet. Le site américain Legitscript, gendarme de la cyberpharmacie, estime qu’environ 31 500 sites dans le monde proposent des médicaments. Parmi eux, 29 760 seraient illégaux. Le marché mondial du faux médicament se porte bien sur Internet, porté par des législations disparates entre les pays.
À l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), le colonel Bruno Manin précise que, bon an mal an, l’OCLAESP repère environ 200 sites illicites, écrits en français et destinés à la l’Hexagone. « 95 % des cyberpharmacies sont illégales », estime Bruno Manin. Selon lui, le trafic se concentre en France sur les médicaments contre la dysfonction érectile, et les produits dopants, type stéroïdes ou hormones de croissance.
Cybersquatting.
Les trafiquants rivalisent d’imagination. À l’institut de recherche anti contrefaçon de médicaments (IRACM), Wilfrid Rogé détaille leurs diverses stratégies. « Ils conçoivent des sites inspirant confiance, confie-t-il au « Quotidien », avec des logos rassurants, et des photos de professionnels de santé arborant leur stéthoscope ». Ces faussaires créent des noms de domaine copiant des marques de médicaments, ou reprennent des adresses de sites laissés à l’abandon. Récemment, un portail proposant des produits illicites avait pris comme adresse « pharmacie-trappes.com », laissée en jachère. Celui-ci a été fermé, mais en tapant cette adresse sur Internet, on est désormais redirigé vers un site semblant indiquer qu’il relève d’une pharmacie parisienne.
Selon Bruno Manin, les sources d’approvisionnement en médicaments contrefaits sont essentiellement l’Asie, la Russie et l’Afrique. Les sites sont souvent hébergés dans les mêmes pays, « parce qu’ils sont assez laxistes en la matière ». Tout est étanche dans ces organisations : « celui qui reçoit l’argent n’est pas celui qui expédie le médicament », continue le colonel. Parfois, c’est encore plus simple. Selon Jacques Morénas, directeur adjoint de l’inspection à l’ANSM, « certains sites encaissent votre argent, et ne vous livrent jamais ».
Quand ils expédient leurs produits, le pire est à prévoir. En juillet 2012, une opération de douane internationale a permis de saisir dans un port angolais 33 millions de doses parfaitement contrefaites mais sans principe actif. Parfois, le principe actif est présent, mais en trop grande concentration, ou mêlé à des excipients dangereux. Le plus souvent, ces produits sont stockés dans des conditions d’hygiène déplorables. Il y a deux ans en Afrique, rappelle Bruno Manin, du sirop contre la toux contenant de l’antigel a tué d’un coup plus de 50 enfants.
Des moyens limités.
Pour combattre ce trafic, l’OCLAESP dispose de 70 collaborateurs. Un peu mince alors que ces sites peuvent être hébergés aux quatre coins de la planète, et changent d’adresse comme bon leur semble. À l’ANSM, le sous-effectif est encore plus criant. Jacques Morénas reconnaît que l’Agence ne dispose que de deux collaborateurs à temps partiel pour faire de la veille sur Internet. « Nos moyens sont limités », commente-t-il sobrement. L’ANSM réalise cependant de temps à autre, et sous contrôle d’huissier, des achats de médicaments sur des sites illégaux français, afin d’analyser leur contenu. Mais l’Agence n’est pas en mesure de livrer ses conclusions, ne réalisant ces opérations que depuis peu de temps.
Ce manque de moyens répressifs oblige à des efforts d’imagination pour contrer les trafiquants. L’Ordre des pharmaciens ne manque pas d’idées. Il envisage de réserver gratuitement des noms de domaine spécifiques aux cyberpharmacies françaises qui le souhaiteraient, comme « pharmacie-france.fr, ou pharmacien.fr ». « Tout est prêt, précise Isabelle Adenot, nous n’attendons que le feu vert des autorités ». La présidente du CNOP indique aussi que la commission européenne envisagerait d’apposer un logo spécifique aux sites de pharmacies en ligne. En cliquant dessus, l’internaute serait renvoyé sur un portail national (pourquoi pas celui du CNOP), où il pourrait vérifier que la pharmacie en ligne est légale. Mais ces dispositifs sont contournables.
La seule solution semble bien être celle de l’information du public (voir encadré). L’Ordre des pharmaciens met en ligne la liste des 46 noms de domaine de vente en ligne légaux. Wilfrid Rogé énumère les éléments qui doivent faire douter de la légalité d’une pharmacie en ligne : « si le site est en plusieurs langues, s’il est truffé de fautes d’orthographe, s’il propose à la vente des médicaments de prescription, il y a toutes les chances que vous soyez sur un domaine illégal ». Enfin, un portail a été mis en place par le ministère de l’Intérieur (www.internet-signalement.gouv.fr) pour signaler tous les contenus illicites sur la Toile.
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